« Elle
s’imagine même qu’ils savent tous que le boycott d’un fruit frais n’est
qu’une visée factice, mais jouent le jeu
parce qu’ils savent aussi que sans la fiction, sans l’histoire plus
ou moins puérile que chacun se raconte, la réalité ne tiendrait pas
debout une minute debout. »
Pierre Alferi, Kiwi, POL, 2012, p. 478.
Comme vous n’êtes peut-être pas au courant il faut que je vous le dise : Kiwi de Pierre Alferi est un roman
vertigineux.
Comme
vous n’êtes peut-être pas au courant il faut que je vous le dise :
Pierre Alferi est un poète qui écrit des romans
qu’il vaut mieux lire avec des verres progressifs – ou à double
foyer pour les nostalgiques – parce que selon la distance à laquelle se
situe le lecteur il risque de ne pas lire tout à fait la
même chose.
Ce qui est pratique avec Kiwi
c’est que Pierre Alferi nous prend gentiment par la main pour nous
raconter une histoire
très facile à lire à une certaine distance, l’histoire très
légèrement décalée d’une jeune femme très légèrement décalée comme celle
dont on tombe facilement amoureux et qui précisément ne trouve
pas l’amour puis le trouve à moins que ce ne soit lui qui la trouve –
à moins que ce ne soit pas ça du tout à moins que ce ne soit pas du
tout de ça qu’il soit question. Car sous le couvert d’un
récit très linéaire – une année découpée en quatre saisons et
cinquante-quatre épisodes –, on devine peu à peu que sous la pelure de
l’histoire d’amour se cachait en réalité un étonnant thriller
fruitier, avec ses associations secrètes et ses mouvements
révolutionnaires occultes – on ne sera donc pas surpris d’y retrouver
dans un second rôle assez marquant le même Horatio Picq qui
naguère fut victime la séquestration des Jumelles, rappelez-vous ce bref et déjà vertigineux
roman polysémique. Mais qu’est-ce en réalité qu’un thriller
fruitier ? Il faudrait demander à quelqu’un dont le métier serait de
raconter des histoires et tiens justement c’est le métier
de Maximilien – Maxime – Max – Sénart : le mari. Comment faire
confiance à un homme qui prétend gagner de l’argent en racontant des
histoires ? Hein, Daniela, comment faire confiance à
Pierre Alferi qui vous met des jolis titres pour chaque « épisode »,
ose à chaque fois résumer le précédent en moins de quinze mots (La vraie Sylvie Vartan affirme que Bidet ne
reviendra pas ou bien Anéantie, Daniela Tripp se dit victime d’une attaque d’étrons volants à domicile)
parce qu’on est (c’est marqué dessus) dans un roman-feuilleton, et
agrémente
chaque titre d’épisode d’un joli dessin ? Hein, Daniela, comment lui
faire confiance ? – car c’est ainsi que s’appelle l’héroïne : Danie-ela
Bonne année, Philippe, avec verres progressifs ou lentilles en forme de hublots !