mardi 11 décembre 2012

un suicide – en rédaction

« Vous venez d’avoir 18 ans. Vous avez décidé d’en finir avec la vie. Votre décision semble irrévocable. Vous décidez dans un dernier élan de livrer les raisons de votre geste. En dressant votre autoportrait, vous décrivez tout le dégoût que vous avez de vous-même. Votre texte retracera quelques événements de votre vie à l’origine de ce sentiment. »
Oh non, ce n’est pas moi qui donnerais un pareil sujet de rédaction à mes 3e. Mais il paraît qu’un professeur l’a fait, quelque part vers la Charente ; réaction des familles (de toutes les familles ?), suspension du professeur par sa hiérarchie, battage médiatique.
Je n’ai pas assisté au cours, je ne sais pas quelles étaient les intentions du collègue, mais je remarque la réaction des familles (de toutes les familles ?), et celle de la hiérarchie, éberluées par l’énormité de la chose. Faire écrire sur un sujet pareil. A leur âge. Vous vous rendez compte ? Un réflexe de protection, quoi.
Je n’ai pas assisté aux cours, je ne sais pas quelles étaient les intentions du collègue, je n’approuve pas la formulation de l’intitulé à la deuxième personne, mais je me dis qu’écrire, quand même, c’est une mise à distance. Dire, c’est souvent une manière de faire – sans le faire. Surtout dire dans le silence de l’écriture.
Des suicides, j’en ai connu ; comme tout le monde au bout d’un certain temps, j’imagine. Trop. A chaque fois, j’ai eu l’impression que ça s’était joué à peu de choses, qu’il aurait sûrement pu en être autrement, que ce n’était pas une fatalité. A chaque fois aussi, j’ai eu l’impression a posteriori que c’était accompagné d’un grand silence : que quelque chose n’avait pas réussi à être dit.
La dernière fois, c’était un élève de 3; gentil, intelligent, un peu trop réservé. C’est le souvenir que je garde de lui. Il ne se résumait sûrement pas à ces quelques mots. J’aurais peut-être dû donner un sujet de rédaction sur le suicide, je n’en saurai jamais rien.

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