« Vous
venez d’avoir 18 ans. Vous avez décidé d’en finir avec la vie. Votre
décision semble irrévocable. Vous décidez dans
un dernier élan de livrer les raisons de votre geste. En dressant
votre autoportrait, vous décrivez tout le dégoût que vous avez de
vous-même. Votre texte retracera quelques événements de votre
vie à l’origine de ce sentiment. »
Oh non, ce n’est pas moi qui donnerais un pareil sujet de rédaction à mes 3e. Mais il paraît qu’un professeur l’a fait, quelque part vers la Charente ; réaction des
familles (de toutes les familles ?), suspension du professeur par sa hiérarchie, battage médiatique.
Je
n’ai pas assisté au cours, je ne sais pas quelles étaient les
intentions du collègue, mais je remarque la réaction des
familles (de toutes les familles ?), et celle de la hiérarchie,
éberluées par l’énormité de la chose. Faire écrire sur un sujet pareil. A
leur âge. Vous vous rendez compte ? Un réflexe
de protection, quoi.
Je
n’ai pas assisté aux cours, je ne sais pas quelles étaient les
intentions du collègue, je n’approuve pas la formulation de
l’intitulé à la deuxième personne, mais je me dis qu’écrire, quand
même, c’est une mise à distance. Dire, c’est souvent une manière de
faire – sans le faire. Surtout dire dans le silence de
l’écriture.
Des
suicides, j’en ai connu ; comme tout le monde au bout d’un certain
temps, j’imagine. Trop. A chaque fois, j’ai eu
l’impression que ça s’était joué à peu de choses, qu’il aurait
sûrement pu en être autrement, que ce n’était pas une fatalité. A chaque
fois aussi, j’ai eu l’impression a posteriori que c’était
accompagné d’un grand silence : que quelque chose n’avait pas réussi
à être dit.
La dernière fois, c’était un élève de 3e ;
gentil, intelligent, un peu trop réservé. C’est le souvenir que je
garde de lui. Il ne se résumait sûrement pas à ces quelques mots.
J’aurais peut-être dû donner un sujet de rédaction sur le suicide, je
n’en saurai jamais rien.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire