vendredi 30 novembre 2012

Il faut sauver le soldat Chevillard (starring Frédéric Beigbeder)


Frédéric Beigbeder est gentil. Je m’étais dit que je n’allais pas en rajouter à propos de son article sur l’Auteur et moi d’Eric Chevillard parce que Claro s’en est chargé, mais qu’est-ce qu’il est vache Claro quand même alors que, on ne peut pas dire le contraire : Frédéric Beigbeder est gentil. Il faut bien que quelqu’un rétablisse la vérité. Frédéric Beigbeder veut le bien d’Eric Chevillard. A chaque livre de Chevillard, il ne manque pas de lui donner de bons conseils – que l’autre, sourd ou ingrat, ou complètement inconscient, ne suit jamais. Déjà, à propos de Dino Egger, si Frédéric Beigbeder proposait de « démolir Chevillard », c’était bien sûr pour mieux le reconstruire. (Oui, finalement, il s’agissait bien de démolir avec un seul l, nous explique-t-il ; j’avais cru qu’il s’agissait d’une discrète allusion à l’« amollir Molloy » dans le roman éponyme d’un auteur dont Chevillard est grand lecteur ; en effet Frédéric Beigbeder a un faible pour les références littéraires : dans ce dernier article pourtant bref sur l’Auteur et moi il parvient tout de même à nous citer Queneau (?), Sagan (??) et Coetzee (???) – mais non, il s’agissait juste de démolir Chevillard. Pour mieux le reconstruire, donc ; pas comme Nisard, à tout jamais perdu ; en effet Frédéric Beigbeder est plus gentil qu’Eric Chevillard.) Car figurez-vous qu’on peut faire quelque chose, de Chevillard. C’est un homme, une matière, un paysage qui a du potentiel, indéniablement. Ça vaudrait le coup d’investir, dans le Chevillard. Nous sommes d’accord. C’est quand même dommage, un tel gâchis. Il faut sauver le soldat Chevillard. Et Frédéric Beigbeder, qui est gentil, est exactement l’homme de la situation. D’ailleurs la solution est simple, il suffit de faire entrer dans le crâne de Chevillard – qu’il a dur, apparemment – que le public ne veut plus d’« expériences ». Car les livres de Chevillard sont des expériences ; et le public, c’est bien connu, c’est même dans le dictionnaire, en a marre des expériences. Personnellement, comme je lis, j’ai toujours eu tendance à croire que le public c’était moi, mais non. Parce que moi je n’avais pas remarqué que les livres d’Eric Chevillard étaient, à proprement parler, des expériences ; et je ne m’étais pas non plus demandé si j’en avais assez des expériences ou non mais de toutes façons on s’en fiche parce que le public, ce n’est pas moi. La gentillesse de Frédéric Beigbeder a quand même des limites : elle concerne exclusivement Eric Chevillard, qui en a bien besoin. Il a raison, d’ailleurs, au fond, Frédéric Beigbeder. Imaginez tout ce qu’on pourrait faire de Chevillard s’il se laissait faire, la sale bête. Ingrat, en plus. Si seulement Frédéric Beigbeder pouvait enfin réaliser son ambition la plus chère et devenir le coach du quatrième tome de l’Autofictif, il vous rentabiliserait le Chevillard fissa, je vous dis que ça. Ça ferait pas un pli. C’est quand même pas difficile : il suffirait que Chevillard parle de lui-même, qu’il se « dévoile », qu’il parle davantage de ses ventes. Qu’il ne se contente plus de jouer à l’autofictif mais qu’il assume pleinement l’autofiction ; qu’il devienne, je ne sais pas, moi, le futur Christine Angot ! C’est quand même décourageant, c’est même rageant tout court et ça mérite des coups de le voir s’entêter dans des expériences dont « le public n’a plus le goût » (apparemment il l’avait autrefois mais il l’a perdu), alors que le chemin de la gloire lui est tout tracé, et gracieusement, par la gentillesse de Frédéric Beigbeder.
En tout cas moi j’ai compris la leçon. Dans un de mes prochains livres, vous allez voir, je vous parle de mes chiffres de vente – et Chevillard pourra toujours s’accrocher pour en avoir d’aussi faibles, je vous dis que ça –, et je vous parle de mon papa aussi, qui le mérite bien. Vous allez voir ce que vous allez voir. C’est pas des blagues. Faut pas me pousser. Je vais le faire. Ça lui servira de leçon, à Chevillard, de n’en faire qu’à sa tête au lieu d’écouter sagement Frédéric Beigbeder.
 

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