La
lecture est affaire de plaisir et de désir. Faire naître le désir n’est
pas chose facile quand le plaisir est incertain, et
il est incertain quand on ne connaît pas le travail d’un éditeur.
Mais il arrive aussi, hélas, que faire naître le désir soit tout
simplement vital.
L’écriture, c’est pareil : histoire de plaisir et de désir. Et la publication une sorte de réalisation, souvent frustrante
même dans le plaisir, de ce désir.
Quand
j’ai eu connaissance de l’existence de Quidam, j’avoue que ce n’était
pas le lecteur qui était en quête d’un bon livre qui
m’animait, mais l’auteur dont le précédent éditeur, Melville, venait
de disparaître, qui cherchait tout simplement un nouvel éditeur.
J’avoue que je n’ai pas tout de suite désiré
Quidam, dont je n’avais lu aucun titre. Même si je sentais qu’il y
avait
là quelque chose de sûrement intéressant, je restais sans doute
encore marqué par le confort un peu superficiel qu’on a à être publié
par un éditeur puissant, puisque j’avais commencé au Seuil,
sur une sorte de quasi-malentendu sur lequel je reviendrai un jour
dans d’autres circonstances.
J’ai commencé à désirer Quidam quand j’ai entendu chroniquer l’un de ses titres, l’Ami Butler de
Jérôme Lafargue, aux mardis littéraires de Pascale Casanova alors que je roulais sur la N10 pour aller faire imprimer quelques manuscrits de Liquide, en vue d’envois
prochains. C’était bien sûr un désir clairement éditorial, mais les difficultés que j’avais eues à imposer Chroniques imaginaires de la mort vive après Une affaire de regard,
cet espèce d’invraisemblable grand écart qui m’a fait paraître
suspect aux yeux de tout éditeur prudent (invraisemblable mais vital et
toujours recommencé), m’avait fait comprendre qu’il me
fallait savoir à l’avance à qui vraiment j’avais affaire. Alors j’ai
lu l’Ami Butler.
J’ai lu l’Ami Butler
et dès ce
moment-là, avant même que je me décide vraiment à envoyer un
manuscrit à Quidam, mon rapport avec cet éditeur est devenu celui d’un
lecteur. Car j’ai aimé l’Ami Butler, et par la suite
Dans les ombres sylvestres, et plus récemment l’Année de l’hippocampe,
ces livres qui osent travailler le romanesque comme je
ne le ferai jamais, qui jouent délicieusement de la fiction à
l’intérieur même de la fiction – et que je vous recommande
chaleureusement.
Puis très vite je suis tombé, complètement par hasard, sur Grande Ourse, de Romain Verger
– et là c’est la puissance de l’imaginaire, un imaginaire des
entrailles, une manière de vous tenir le cœur à la main à
l’intérieur de la cage thoracique pour le cas où il tomberait, qui m’a
retenu, et que j’ai retrouvé dans son premier roman
Zones sensibles, et plus récemment dans Forêts noires.
Entre temps, la chronologie s’embrouille un peu dans ma mémoire, Quidam m’avait dit son désir de publier Liquide puis
Monsieur Le Comte au pied de la lettre, car les deux sont
quasi jumeaux – siamois, même – malgré les apparences que j’aime
trompeuses, et nous nous étions rencontrés. Très vite on avait
surtout parlé de littérature, et des goûts que nous avions en
commun, dans le contemporain aussi : Raymond Federman, Céline Minard…
Pascal Arnaud, l’homme derrière Quidam, est très vite
devenu un de mes principaux prescripteurs, et ce bien au-delà de son
catalogue.
Mais c’est son catalogue, vous l’avez compris, qui est menacé aujourd’hui. Et c’est là que j’ai envie de vous donner envie.
Voilà,
j’ai envie de vous donner envie. Mais si je vous donne tout, comme ça,
en une seule fois, ça va être beaucoup trop long.
Je sais bien comment c’est, sur les blogs ; j’en ai vu, là, déjà,
parmi vous, qui n’ont pas cliqué sur tous les liens. Et puis des livres
du catalogue, non, je vous rassure : je n’ai
pas tout lu ; mais tout de même, j’en ai lu, attendez que je compte…
vingt-six, si je ne me suis pas trompé, sans compter les deux miens.
Alors on va s’arrêter là pour aujourd’hui, allez
déjà jeter un œil sur Lafargue et Verger, six titres à eux deux, et
demain j’essaie de mettre la suite.
J'espère que ceux qui vous suivent auront envie de vous faire confiance et d'acheter quelques livres. Je recommande aussi Ron Butlin, Le Son de ma voix ou encore les B.S. Johnson.
Merci pour ce billet !
je viens de passer pour la première fois sur votre blog et je le trouve très interessant.
bonne continuation.
Yselann