Il est sorti de la pièce, et je t’ai
dit : « Ce n’est pas vraiment la peine, n’est-ce pas ? »
– Qu’est-ce que tu veux
dire ? as-tu répliqué, tournant brusquement la tête de mon côté, et
baissant tout aussi vite les yeux vers le sol.
– Que je vienne vous voir, ai-je
dit.
– Je ne vois pas ce que tu veux
dire », as-tu répondu.
Puisque tu ne voulais pas aborder
le sujet, que pouvais-je dire de plus ? J’ai essayé d’en parler avec lui
quand il m’a raccompagnée.
Je suis restée sans rien dire
pendant un long moment, regardant par la fenêtre, écoutant dans une
semi-inconscience le bruit de son crayon sur le papier. J’ai fini par
dire :
« Je vais partie maintenant. »
Il a levé les yeux de son dessin.
« Déjà ?
– Oui, ai-je répondu. Il faut que
je rentre.
– Eh bien », dit-il.
Il a posé son crayon et son
carnet de croquis et s’est levé.
« Ne te dérange pas, dis-je.
Je peux quitter la maison toute seule. »
Mais il m’attendait déjà, debout
près de la porte. Je me suis penchée pour t’embrasser rapidement, mais tu as à
peine réagi, tu as levé la main vers ma joue et tu l’as laissée retomber.
Gabriel Josipovici, Contre-Jour,
Gallimard, 1989, p. 52-53.
Je t’en supplie, reviens. Viens
nous voir. Je ne te demanderai pas de rester.
Ta présence nous permettra de
combler le fossé qui nous sépare. Avec toi il nous sera possible de nous parler
à nouveau.
Quand j’essaie de lui parler
c’est toujours au travers de ton ombre absente.
« Si elle était ici, tout
serait différent.
– Mais non, me dit-il. Il ne faut
pas dire des choses pareilles. »
Je lui dis : « Si nous
avions eu un enfant tout aurait été différent. »
Gabriel Josipovici, Contre-Jour,
p. 129.
Ce sont deux extraits – deux
détails, plutôt – de Contre-Jour, de Josipovici décidément, détails
puisque le roman est sous-titré « Triptyque d’après Pierre Bonnard ».
Et décidément, parce qu’on a rarement aussi bien parlé du sentiment de
l’inexistence – qui est aussi mon seul sujet, si j’en ai un. Deux extraits des
deux premières parties : la voix de la fille, puis celle de la mère. Le
père est presque muet puisqu’il est peintre, et sa lettre trop courte pour que
je puisse la citer.
Rappelons que cet automne a vu la
parution chez Quidam de Goldberg : Variations.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire