Quand
je me suis lancé dans ce projet – transcrire les cartes d’Edmond à ses parents
– je l’ai fait dans l’instant. J’ai pris la première carte de la pile, sans
chercher à voir si l’épais paquet était dans l’ordre. Il ne l’était pas. Sans
doute suis-je moi-même responsable de ce désordre, j’avais déjà pioché dans ces
cartes il y a quelques années, alors que je faisais travailler mes élèves de 3e
sur des lettres de poilus. Et puis je me suis dit que ce je donnerais à lire,
ce ne pourrait jamais être qu’une lecture, la mienne, et que l’ordre importait
peu. Les cartes sur lesquelles je tombe aujourd’hui ne sont pas de la main
d’Edmond. Le format cependant est identique et l’adresse est celle de mon
arrière-grand-père, ou plutôt celle que lui imposaient ses fonctions à Quimper.
Elle émane du Comité international de la Croix-Rouge. Au dos de la carte, on
peut lire :
Genève (Suisse), le 13.
6. 1916.
Seuls « 13. 6. » est écrit à la
main, à l’encre noire.
Monsieur,
(Là ce sont les lettres
« onsieur » qui sont manuscrites.)
Nous ne
pouvons, à notre grand regret, vous fournir aucun renseignement positif sur (la suite est manuscrite) le
s/lieut. au 287e inf.
Edmond
Annocque
Le reste est imprimé :
Tout ce que
nous pouvons vous communiquer, c’est qu’à la date de ce jour le nom de votre
disparu ne figure pas sur les listes de prisonniers, de blessés ou de décédés,
qui nous sont envoyées régulièrement par les Gouvernements allemand,
autrichien, bulgare et ottoman. Nous continuons nos recherches, et si une indication
ultérieure nous parvient, nous ne manquerons pas de vous en aviser.
Veuillez
agréer, M (je crois qu’il y a comme
un r manuscrit), l’assurance de nos sentiments dévoués.
Agence
Internationale des Prisonniers de Guerre
Je viens inopinément de lire tous les numéros parus jusqu'ici, en une seule fois — ce besoin de continuité veut sans doute dire qu'il y a là un livre (encore un, cher Philippe, et bien différent des autres !). C'est formidable. Je remarque qu'avec le temps tes commentaires sont plus longs, et c'est bien, au début tes silences ajoutés aux siens étaient un peu frustrants. Une phrase d'Edmond en particulier ma frappé, emblématique de la beauté triste et un peu comique de ces petits riens essentiels : "Je vous assure que je ne suis pas las du tout du cake." On peut se la répéter, elle est à chaque fois plus fascinante. Par ailleurs, on aimerait bien voir les kerbschnitts.
RépondreSupprimerTout en une fois ! Tu m'étonneras toujours. Ça me fait plaisir, en tout cas, car encore une fois comme tu t'en doutes je suis plein de doutes. Je me dis Il faut continuer et puis je continue.
SupprimerTu as raison, il faudra que je pense à l'occasion à photographier un kerbschnitt.