lundi 3 août 2009

miracle dans un moule à cake (à moins que ce ne soit dans un bocal ?)

C’était la première fois que je le photographiais, depuis cinq ans déjà qu’il est dans la famille, pêché par le fiston, lors d’une pêche à la ligne de fête foraine, ou plutôt : incarnant brillamment des écailles la conquête d’une série de canards en plastique crochetés de la tête. Le fiston cependant avait choisi le plus terne, le plus « poisson » de ces poissons en sachet ; un poisson rouge qui n’avait de rouge que le nom, il était en réalité plutôt argenté avec une queue quelconque vaguement jaunâtre. Il s’est toujours montré d’un naturel plutôt placide : toujours lent dans ses déplacements, jamais l’ébauche d’un saut pour voir à quoi ressemble le monde de l’autre côté de la surface. Mais il a su cependant nous surprendre et nous séduire : outre sa longévité, au fil du temps, son argent terne à viré à un or du plus bel effet ; et sa queue, surtout, s’est allongée en un voile voluptueux, marqué d’une tache noire, plus ou moins visible selon des raisons mystérieuses. Et voilà que ce soir, il a d’abord semblé peiner dans ses mouvements avant de se retourner lamentablement, flottant le ventre en l’air. Appelé à la rescousse, votre serviteur l’a immédiatement sorti pour le placer dans un moule à cake, ça allait de soi n’est-ce pas ? pour quelle autre raison ce moule à cake traînait-il sur l’évier ? et voici le maître-nageur sauveteur désigné essayant de convaincre l’intéressé désabusé qu’il était trop tôt, que la vie valait encore la peine d’être vécue. Il a d’abord rechigné, l’agonisant : il était – me répondait-il par des mouvements faiblards et inefficaces – incapable de retrouver son équilibre : son ventre irrésistiblement remontait vers la surface. Heureusement le manque de profondeur du moule à cake, ainsi que ma main secourable, l’aidait à se maintenir tandis que M changeait l’eau du bocal (qui, précisons-le, l’avait été tout récemment). J’ai ensuite vigoureusement versé le contenu du moule à cake dans le bocal. La bestiole paraissait quelque peu estourbie, mais je voulais tellement lui voir le désir de nageoter même vaguement que ma main toujours l’accompagnait ; non, on ne se retourne pas, on nage comme le bon poisson qu’on est ; je suis plutôt tenace quand je m’y mets, on peut dire collant si on veut, je ne m’en formaliserai pas ; quoi qu’il en soit voilà mon poisson qui en effet recommence à nageoter faiblement, puis de moins en moins, qui enfin parvient par lui-même à retrouver son équilibre, c’est bien mon grand, continue comme ça ; M lui verse quatre ou cinq daphnies histoire de lui donner l’idée de remonter vers la surface (on n’aime plus trop le voir la tête en bas, même si, regarde bien, c’est juste qu’il fouille dans les cailloux), et voilà qu’il nage vraiment à présent, comme si de rien n’était, et même que, ô miracle ! il remonte de lui-même à la surface picorer les daphnies, on ne dit pas picorer pour un poisson ? c’est que le nôtre a des ailes, regardez-le promener sa traîne, on en croirait en Dieu dirait l’ami Didier, mais non, pour une fois le héros c’est moi.


Commentaires

magicien
Commentaire n°1 posté par brigetoun le 21/06/2009 à 05h21
Sans acharnement thérapeutique, avec juste l'acharnement du coeur parce que cinq ans de vie commune ça compte. De quoi se prendre pour un héros en effet. Longue vie encore à ce rescapé d'un cake qui trainait par là.
Commentaire n°2 posté par Garance le 21/06/2009 à 08h39
Magnifique !
Ça me laisse sans voix - comme le miraculé.
(Et me redonne de l'espoir, le DVD de Le temps d'aimer et le temps de mourir vient tout juste de s'arrêter - être enrhumé est bien pratique dans ces cas-là pour renifler l'air de rien - manifestement c'était encore the time to love pour le poisson rouge, je m'en réjouis...)
Commentaire n°3 posté par Didier da le 21/06/2009 à 10h59
Et ce matin nous l'avons retrouvé tout frétillant et plein d'appétit, comme si tout cela n'avait été qu'un mauvais rêve...
Commentaire n°4 posté par PhA le 21/06/2009 à 11h55
Comment t'y es-tu pris pour le réanimer, en lui roulant une pelle dans le moule à cake? Ok, je sors, vite, ferme la porte!
Commentaire n°5 posté par Pascale le 21/06/2009 à 18h58
Comment ? tu n'es pas émue par cette belle histoire ?
Commentaire n°6 posté par PhA le 21/06/2009 à 20h32
Si, bien sûr, je vais t'embaucher aux urgences!
Commentaire n°7 posté par Pascale le 21/06/2009 à 21h40

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