Une petite pause lecture tout de même, ça fait du bien. Comme rêver, comme nager. Après les belles pages de l’« Apologie des
fantômes » (qui font écho dans ma mémoire au « en nous vit
encore » d’Eugène Savitzkaya), voici notre conteur qui nous
rapporte en touriste quasi persan les us et coutumes des Indes
Occidentales.
Arpentant dans l’après-midi ensoleillée les rues désertes de Brinn-Mawr,
la banlieue huppée de Philadeslphie où j’étais reçu pour deux jours
chez Ralph, dans sa superbe maison au
milieu des grands arbres, je pris soudain conscience que j’étais le
seul être humain non motorisé à circuler parmi les parcs et les jardins
non clôturés. On ne voyait jamais âme qui vive sortir
ou rentrer dans ces immenses demeures entourées de leurs étendues
de gazon impeccablement tondues. Pas même un quelconque animal !
En
revanche glissaient doucement sur la chaussée les conduites intérieures
aux vitres teintées derrière
lesquelles, lorsqu’il m’arrivait de les distinguer, je pouvais
observer les visages fermés, inexpressifs, des quelques autochtones.
Alors
que je marchais depuis déjà un bon quart d’heure, une voiture de police
vint se placer à quelques mètres
derrière moi et commença, s’adaptant à la vitesse de mon pas, de me
suivre tranquillement. Si je m’arrêtais, elle s’arrêtait et lorsque je
repartais, elle repartait également. Aussi décidai-je
assez rapidement d’écourter ma flânerie pour rentrer au plus vite.
La voiture continua de me suivre jusqu’à la porte de Ralph où, lorsque
je sortis ma propre clef et l’introduisis dans la
serrure, elle démarra pour disparaître au coin de la rue.
Ma
marche à pied avait sans doute été jugée suspecte par une ombre
derrière les rideaux et la force publique était
venue surveiller l’extravagant piéton. Lorsque je racontai
l’incident à Ralph le soir même, il me dit qu’il n’en aurait pas été de
même si, sans courir pour autant, j’avais été en tenue de
jogging.
Denis Grozdanovitch, Rêveurs et Nageurs, « Bref périple aux Indes Occidentales », José Corti,
2005 p. 218-219
(Sinon j'ose à peine le dire mais une fois n'est pas coutume je vois mal en quoi l'écriture te retient ici. Je trouve ça un peu scolaire, laborieux.)