dimanche 16 août 2009

piéton suspect

Une petite pause lecture tout de même, ça fait du bien. Comme rêver, comme nager. Après les belles pages de l’« Apologie des fantômes » (qui font écho dans ma mémoire au « en nous vit encore » d’Eugène Savitzkaya), voici notre conteur qui nous rapporte en touriste quasi persan les us et coutumes des Indes Occidentales.

Arpentant dans l’après-midi ensoleillée les rues désertes de Brinn-Mawr, la banlieue huppée de Philadeslphie où j’étais reçu pour deux jours chez Ralph, dans sa superbe maison au milieu des grands arbres, je pris soudain conscience que j’étais le seul être humain non motorisé à circuler parmi les parcs et les jar­dins non clôturés. On ne voyait jamais âme qui vive sortir ou rentrer dans ces immenses demeures entourées de leurs éten­dues de gazon impeccablement tondues. Pas même un quel­conque animal !
En revanche glissaient doucement sur la chaussée les conduites intérieures aux vitres teintées derrière lesquelles, lorsqu’il m’arrivait de les distinguer, je pouvais observer les visages fermés, inexpressifs, des quelques autochtones.
Alors que je marchais depuis déjà un bon quart d’heure, une voiture de police vint se placer à quelques mètres derrière moi et commença, s’adaptant à la vitesse de mon pas, de me suivre tranquillement. Si je m’arrêtais, elle s’arrêtait et lorsque je repartais, elle repartait également. Aussi décidai-je assez rapi­dement d’écourter ma flânerie pour rentrer au plus vite. La voiture continua de me suivre jusqu’à la porte de Ralph où, lorsque je sortis ma propre clef et l’introduisis dans la serrure, elle démarra pour disparaître au coin de la rue.
Ma marche à pied avait sans doute été jugée suspecte par une ombre derrière les rideaux et la force publique était venue surveiller l’extravagant piéton. Lorsque je racontai l’incident à Ralph le soir même, il me dit qu’il n’en aurait pas été de même si, sans courir pour autant, j’avais été en tenue de jogging.
 
Denis Grozdanovitch, Rêveurs et Nageurs, « Bref périple aux Indes Occidentales », José Corti, 2005 p. 218-219


Commentaires

Un ami m'avait raconté la même histoire édifiante après un séjour dans un quartier résidentiel d'Atlanta...
(Sinon j'ose à peine le dire mais une fois n'est pas coutume je vois mal en quoi l'écriture te retient ici. Je trouve ça un peu scolaire, laborieux.)
Commentaire n°1 posté par Didier da le 17/08/2009 à 09h12
Ce n'est sans doute pas l'un des plus beaux passages, et peut-être ai-je été arrêté ici par un écho à mes propres préjugés de piéton totalitaire. Pour l'écriture, je devine ce que tu veux dire ; mais je vois plutôt cette application un peu excessive, un peu "langue dont le bout dépasse entre les lèvres", comme allant dans le sens d'une auto-dérision discrète dans la mise en récit de soi-même (par exemple je ne prends pas complètement au sérieux l'association du passé simple et de la 1ère personne) ; mais ça ne se sent peut-être pas sur quelques lignes.
Commentaire n°2 posté par PhA le 17/08/2009 à 09h52
De mon côté, "Ma marche à pied" ne passe pas. On a de ces préjugés.
Commentaire n°3 posté par Depluloin le 17/08/2009 à 10h16
C'est vrai que ça coince, Depluloin - et ça ne l'en rend que d'autant plus suspecte !
Commentaire n°4 posté par PhA le 17/08/2009 à 12h33
Je m'écarte à peine du sujet - mais ça donne la mesure du traumatisme engendré - mais je trouve votre tenue d'arracheur du meilleur goût. Travaillons, oui, mais élégant!
Commentaire n°5 posté par Depluloin le 17/08/2009 à 13h12
J'apprécie le compliment, Depluloin, et encore davantage quand par inadvertance je passe devant la glace !
Commentaire n°6 posté par PhA le 17/08/2009 à 16h00
Par inadvertance, bien sûr, bien sûr...
Commentaire n°7 posté par Depluloin le 17/08/2009 à 17h03
 

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