lundi 17 mars 2014

les trois premières lettres de Liscorno

Les trois premières lettres de Liscorno sont les mêmes que celles du verbe lire à telle ou telle forme conjuguée, et pourtant Liscorno est le nom d’un lieu. C’est aussi le titre du livre de Jacques Josse qui vient de paraître aux éditions Apogée, comme Terminus Rennes avant lui, rappelez-vous. Comme Terminus Rennes mais avant Terminus Rennes, puisque Liscorno est le nom du village où Jacques Josse a grandi – bien avant Rennes où il vit.
Liscorno est donc l’évocation d’un lieu mais aussi celle d’un temps, une tranche de vie essentielle, de la petite enfance lors de l’emménagement de la famille jusqu’au départ du jeune adulte, vers sa propre vie. Et c’est aussi la vie d’un lecteur, un lecteur en formation : le Bildungsroman du lecteur. Le souvenir du lieu
« Dans le lointain se dessinait un semblant de montagne légèrement bleuté et rabotée. C’était le Menez Bré. Il rehaussait d’un cran la ligne d’horizon. Que j’observerais mieux plus tard, perché sur une chaise, devant la lucarne grande ouverte, dans la mansarde qui allait peu à peu se muer en invisible (et minuscule) port d’attache… »
se double du souvenir de ce qui s’y est lu
« La nuit où Tristan Corbière s’est invité dans la mansarde à Liscorno pour ne plus vraiment en ressortir est bien cochée dans ma mémoire. Je dois au poète contumace, au crapaud qui chante, à celui qui savait plus que quiconque ce que rogner (et rognures) voulait dire en poésie, la première lecture qui m'a physiquement bousculé. »
comme si vivre et lire était une seule et même chose. Et c’est véritablement ce qui ressort de la lecture de Liscorno : on passe insensiblement de la lecture à la vie, de la vie à la lecture sur la durée qui feront du petit garçon un jeune homme, et l’on voit se former un regard sur le monde et sur les hommes qui est aussi celui d’un lecteur : les silhouettes des personnes dessinées par Jacques Josse (dont certaines évoquent parfois les personnages de Cloués au port) sont à mettre sur le même plan que les auteurs qu’il lit, ils sont porteurs des mêmes histoires et le monde est un vaste livre mouillé par un océan, l’Atlantique, parce qu’il borde et la Bretagne de Jacques et l’Amérique, où naquirent beaucoup (mais pas tous) des auteurs qui ont nourri sa jeunesse.

Commentaires

Merci de votre vigilance et du partage.
Je m'étais dit que je ne laisserais plus de commentaires sur Hublots tant que je n'aurais pas lu tous vos livres. Et puis voilà, venir ici c'est aussi vous lire et ce n'est que du bonheur. Alors je laisse la vie se vivre et se lire...
Commentaire n°1 posté par Michèle P le 17/03/2014 à 17h45
Pensez-vous ! On n'est pas obligé de tout lire et on a bien le droit d'écrire.
Réponse de PhA le 19/03/2014 à 19h11
J'aime beaucoup cet écrivain, et s'il a l'âme bretonne ce n'est pas un écrivain régional; son talent dépasse largement les frontières de ses origines. Et ce n'est pas Mona Ozouf qui démentirait.
"comme si vivre et lire était une seule et même chose". C'est bien de cela qu'il s'agit.
Commentaire n°2 posté par Ambre le 17/03/2014 à 22h23
Je suis bien d'accord, à la fois sur son âme bretonne et sur son talent qui dépasse les frontières de ses origines, et vous le dites si bien que je me contenterai de faire le perroquet.
Réponse de PhA le 19/03/2014 à 19h14
"Rien" reçu. Ravie!
Lisant "Cannibale Lecteur", je décide d'acheter "Mes prix littéraires". La libraire me demande : en un mot ou en deux? Je suis encore ravie. Le titre allemand ne permet pas le jeu de mots.
Commentaire n°3 posté par Michèle le 19/03/2014 à 12h17
Rien reçu ? Excellente nouvelle !
Réponse de PhA le 19/03/2014 à 19h

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