Mais les beaux jours reviennent, c’est sans doute pourquoi l’idée nous est venue d’aller visiter le Musée du
Mètre : nous y voici.
Je
l’avais déjà imaginé, ce musée, auparavant, sans jamais avoir eu
l’occasion de le visiter. J’en avais même une idée
très précise, je m’en rends compte à présent que je suis sur les
lieux. Or les lieux, précisément, sont étonnamment conformes à l’idée
que j’en avais ; je ne peux m’empêcher de m’en faire la
remarque. Il y a une vaste cour goudronnée encadrée de bâtiments
bas. A droite c’est un préfabriqué blanc, au mur parfaitement
rectiligne ; il n’est pas certain qu’il y ait lieu de le
visiter, on n’y voit pas d’accueil pour le public. A gauche un
bâtiment en dur, également blanc, plus petit, affectant une certaine
modernité architecturale, doit probablement contenir les
collections.
Nous
voici dans la queue, pour acheter nos tickets. Le tarif est de
cinquante euros par personne. Ça me paraît tout de
même excessif. Je ne veux pas paraître trop près de mes sous, non je
ne veux pas, personne ne veut paraître trop près de ses sous ; mais
tout de même, vous en conviendrez, cinquante euros
pour visiter le Musée du Mètre, c’est franchement déraisonnable ! Je
regarde toutefois dans mon porte-monnaie, de mauvaise grâce, comme par
acquit de conscience. Je suis sûr de ne pas
disposer d’une telle somme : depuis le passage à l’euro, je n’ai
presque jamais d’espèces sur moi, à peine quelques pièces. Je suis
d’ailleurs un peu surpris d’y trouver, après un temps, un
billet de dix euros ; je ne l’aurais pas cru. Je suis assez content
qu’il soit insuffisant : je renonce à la visite, je l’annonce
clairement ; me voilà soulagé, presque
radieux.
M
et moi descendons maintenant la rue piétonne en pente, aux larges
marches. Il fait si beau, autant nous
promener ! Elle me montre des arbustes, plantés le long du mur ;
elle déplore que le gel ait flétri les fleurs de ces genêts. Je
rectifie : ce sont des spirées – à moins que ce ne
soient des sorbaires ; il est vrai néanmoins que la blancheur de
leurs fleurs a été altérée par les récentes intempéries.
Nous
continuons notre promenade et, dans cette même rue en pente,
j’aperçois à quelque distance une forme vert vif et furtive qui
disparaît prestement dans un massif d’arbustes. J’ai cependant eu le
temps de reconnaître les pattes arrière et la queue d’un
reptile d’une taille inhabituelle pour la région. Je pense à un
lézard vert ; je suis un peu surpris, car il n’y en a guère, par ici ;
et je m’élance pour voir l’animal de plus près. A
peine ai-je approché qu’il ressort du massif pour s’enfuir en sens
inverse. Cette fois j’ai bien le temps de le voir, et de près. Ça valait
le déplacement ! Il s’agit manifestement d’un
petit dinosaure, approximativement de la taille d’un gros chat, dont
je ne peux préciser l’espèce ; cependant, à sa démarche bipède, je
suppose un peu rapidement qu’il fait partie du groupe
des théropodes.
L’animal
semble blessé : sa course, légèrement bancale, n’en est pas moins
extrêmement rapide. Pourtant, il me
semble, pendant une fraction de seconde, ne distinguer qu’un seul
membre postérieur, sur lequel la bestiole réaliserait un extraordinaire
et vertigineux cloche-pied. Cependant je continue la
poursuite, bien décidé à ne pas laisser disparaître cette petite
merveille effrénée.
Nous
arrivons enfin au bas de la rue, qui en rejoint une autre
perpendiculaire et plus passante. Cette fois, le petit
dinosaure s’arrête près de moi : mes efforts ont porté leurs fruits.
Bien sûr il s’attaque à ma jambe, il referme sur mon mollet ses
impressionnantes mâchoires, mais c’est en réalité le jeu
d’un petit animal nerveux qui cherche à se préserver une relative
autonomie. Tout cela est de bonne guerre.
D’ailleurs voici notre
ami F qui justement passait par-là, et tandis que nous bavardons,
c’est à ses chaussures maintenant que s’attaque affectueusement mon
petit dinosaure.
C’est
à ce moment-là, alors que nous bavardons, que deux dames d’un certain
âge, élégamment vêtues, nous interrompent
pour nous dire d’un ton rieur que si nous voulons dévaliser la
poste, c’est le moment : elles viennent tout juste de l’attaquer il y a
quelques minutes, nous pouvons encore aller nous
servir.
Commentaires
Eh bien ! Ce Musée du Mètre dépasse toute mesure... (tu n'as plus de règles ?)
Commentaire n°1
posté par
Didier da
le 27/01/2009 à 08h28
On voit en effet de ces choses, parfois... Moi-même, je n'en reviens pas.
Commentaire n°2
posté par
PhA
le 27/01/2009 à 08h40
On regrette rarement de renoncer in extremis à la visite d'un
musée ou d'une exposition pour aller se promener. On regarde alors le
monde avec l'attention soutenue qu'on se serait d'efforcé d'avoir dans
le musée pour des vieilleries ennuyeuses. C'est tout bénef.
Commentaire n°3
posté par
François Matton
le 28/01/2009 à 16h46
Et autant ce Musée du Mètre est tristement conforme à l'idée que
je m'en faisais (sauf pour ses tarifs), autant ses parages, a priori si
ordinaires, recèlent de merveilles cachées ! Vous n'imaginez pas combien
je suis heureux avec mon petit dinosaure !
Commentaire n°4
posté par
PhA
le 28/01/2009 à 17h11
Ah oui, en effet drole de coincidence. Ce n'est pas très loin de mon musée du nuage, un lieu étrange et poétique.
Commentaire n°5
posté par
Thibault Balahy
le 02/02/2009 à 16h50