Après, j’ai pris le métro jusqu’à Montparnasse. J’avais décidé d’aller me taper un bon repas à La Coupole, où je n’avais
jamais mangé avant.
J’ai
mangé une douzaine d’huîtres, un steak tartare avec frites, une salade
d’endives, un bon fromage de chèvre, une
crème caramel, et j’ai dégusté une demi-bouteille de saint-émilion.
Ça m’a coûté presque la moitié de l’argent que j’avais récolté, mais ça
valait le coup.
Surtout
qu’assis pas très loin de ma table, il y avait Jean-Paul Sartre avec
Simone de Beauvoir et Boris Vian. Je dis la
vérité. Ils étaient là, à La Coupole, en train de déjeuner. J’avais
envie d’aller leur parler. De leur dire combien je les admirais. Leur
dire que quand je suis parti en Amérique après la guerre,
je me croyais existentialiste, et j’emportais avec moi seulement
deux livres : La Nausée de Sartre et J’irai cracher sur vos tombes
de Vernon Sullivan. Je savais pas à l’époque que Vernon Sullivan,
c’était Boris Vian. Voilà ce que j’aurais voulu leur dire, mais
j’ai pas osé.
En tout cas ce jour-là j’ai bien mangé et j’ai bien rigolé.
Bon, cette histoire n’a rien à voir avec mon enfance puisque ça s’est passé après la guerre, après le cabinet de
débarras, mais je crois qu’il fallait quand même la raconter. Et puis…
Oui,
Federman, tu as eu raison d’avoir raconté cette histoire. Elle dit
quand
même quelque chose sur ton enfance, puisque que tu décris la
distribution des prix et comment tu as gagné ce livret de la Caisse
d’épargne à l’école.
C’est vrai. Alors je laisse ça ici, et je raconte autre chose maintenant.
Raymond Federman, Chut, LaureLi / Léo Scheer 2008, p.158-159.
Et
l’extrait par mes soins est encore coupé à la va-comme-j’-te-pousse ;
si vous voulez savoir l’histoire de la
distribution des prix et comment des années après Federman récupère
ses sous à la Caisse d’épargne vous n’aurez qu’à lire le livre ; parce
que pour moi aujourd’hui c’était une manière de
souhaiter la bienvenue à 2009, avec Federman il y a toujours une
embellie à l’horizon. Bonne année à tous, et au monsieur sur la photo,
chipée sur son blog.
Bref, je crois que "çà valait le coup" que je vienne ici. Il faut que je m'y attarde.
L'écran "bouffe" trop de mon temps et j'aime aussi tenir un livre entre mes mains. Faut parfois faire des choix.