Un
motif plus clair, en forme d’x grossier, marque cette carte-ci. J’ai d’abord
cru à la trace d’un adhésif retiré, mais non : au toucher la marque est
indécelable. L’écriture d’Edmond la traverse imperturbablement, elle y est
juste plus lisible par contraste. On dirait qu’à cet endroit, la carte a oublié
de jaunir avec le temps.
Le 6 septembre 1917. Mes chers
parents.
J’ai reçu comme courrier les
cartes de papa des 17, 20 et 22 et la lettre de maman du 19. Le courrier n’est
pas très régulier en ce moment, mais enfin il arrive ; il n’en est pas de
même des colis : je n’ai encore reçu. Il serait pourtant que ça arrive. Les colis manquent, les mots aussi.
Je suis ennuyé que vous ne receviez pas non plus de nouvelles, surtout en ce
moment où vous devez vous ennuyer. Je prends bonne note pour la bague de maman,
je dirai qu’on fasse attention en l’ouvrant. Je
fais une recherche automatique. Apparemment il n’a jamais fait été fait mention
dans une autre carte de cette bague. Ce pauvre Louis qui est (si je lis bien) obligé de
coucher sur la paille, c’est bien malheureux tout de même !! Il y a deux autres occurrences de cette
association de mots : « pauvre Louis » dans les cartes d’Edmond.
Une expression familiale que même moi j’ai dû entendre il y a longtemps. –
Je remercie Madeleine de s’occuper de la cuisson du pain surtout qu’elle ne le
laisse pas brûler. Madeleine est
une enfant, ou peut-être une adolescente. Le photographe après nous
avoir fait attendre un mois nous a tout de même apporté les épreuves hier.
Heureusement elles sont bien et ce ne sera pas la peine de recommencer mais il
faut attendre encore au moins 15 jours avant d’avoir les photos. Il ne faut pas
être pressé. Quelle dose de patience il faut avoir tout de même pour être
prisonnier, toujours attendre et pour tout. Pour les lettres, pour les colis,
pour aller toucher de l’argent, pour manger, pour acheter certaines denrées à
la cantine et surtout pour la paix ! Cela
doit faire plus d’un an qu’Edmond n’avait pas employé ce mot :
« prisonnier ». Après avoir eu quelques jours pluvieux et
assez frais, nous avons aujourd’hui un beau soleil. Je vous quitte mes chers
parents en vous embrassant bien fort tous les deux ainsi que Geneviève et Louis
et toute la famille. Votre fils qui vous aime de tout son cœur. EAnnocque
Traces : mais la Poste, en ces temps-là, était donc gardienne de mémoire ?
RépondreSupprimerIl y a loin, depuis, vers le permis de conduire !
La Poste était la toute petite fenêtre sur la liberté. (Ils devraient m'embaucher pour faire leur pub !)
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