mercredi 25 mars 2015

Histoire de la première fois



La première fois n’arrive qu’une seule fois : la première. Qui est toujours la dernière fois que c'est la première. La deuxième fois n’arrive qu’une seule fois : la première aussi. Qui est toujours la dernière fois que c’est la première fois que c’est la deuxième.


C’est la première fois que j’utilise un pot au lait dans un poème, que j’utilise un champ de derricks dans un poème, la première fois que je que je fais entrer une girafe dans un poème, que j’utilise un pneumothorax dans un poème, c’est la première fois que j’emprunte un fer à repasser pour un poème, la première fois que j’emploie le mot cabaret dans un poème, c’est la première fois que je parle d’électrothérapie dans un poème, c’est la première fois que j’écris : « le crédit est mort, les mauvais payeurs l’ont tué » dans un poème, que j’utilise un réchaud à gaz dans un poème, c’est première fois que j’utilise une ponceuse dans un poème, que j’écris : « au hasard Balthazar » dans un poème, où pour la première fois je ne conjugue pas le verbe réfrigérer dans un poème, c’est la première fois que je vide un godet dans un poème, c’est la première fois que je prends un pédalo dans un poème, c’est la première fois que j’emploie potron-minet dans un poème, la première fois que, dans un poème, je parle de Nicolas Appert, l’inventeur de la conserve, c’est la première fois que je fais un gambit dans un poème, c’est la première fois que je ne conjugue pas le verbe rissoler dans un poème, c’est la première fois

Jean-Michel Espitallier, Salle des machines, « Histoire de la première fois », Flammarion poésie, 2015, p. 152.

C’est la première fois que je cite un texte en le coupant au bas de la page en pleine phrase alors qu’il continue sur la suivante, que je cite in extenso la page 152 d’un livre, c’est la première fois que j’écris « Salle des Machines »  sur ce blog, c’est la première fois que c’est la deuxième fois que je cite unextrait d’un livre de Jean-Michel Espitallier dans ces Hublots, c’est la première fois que j’y écris que ce livre constitue une bonne porte d’entrée dans son œuvre, c’est la première fois que j’écris « porte d’entrée » en caractères gras, en parlant de ce livre où c’est la première fois que Jean-Michel Espitallier publie cette Histoire de la première fois alors que pour d’autres textes c’est la première fois que c’est la deuxième fois qu’il les publie et c’est pour ça que c’est la première fois que c’est la deuxième fois que je dis que c’est une bonne porte d’entrée.


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