_ Le 25 mai 1917 Mes chers parents _ L’en-tête
est
inhabituellement encadré de deux tirets bas, bien marqués – on voit
que le crayon à papier est passé plusieurs fois. Je ne sais pas
pourquoi.
J’ai reçu comme courrier les cartes de papa des 7 et 8 mai et la lettre de Geneviève. Je la remercie bien de sa
bonne lettre. Comme colis j’ai reçu trois colis gare les n°s 2 – 4 et 5 et le plumcake n° 24. Le plumcake n° 24 !
Tout était en bon état. Le plumcake avait été ouvert et le paquet refait très mal ; mais il ne manquait rien, ce qui est très
heureux. Ce plumcake a une histoire. Nous ne la connaîtrons pas. Tout
était très bien conditionné et je vous remercie. J’ai causé à mon
Russe au sujet des timbres-poste ; il va écrire chez lui pour qu’on les
lui envoie, il est très content de pouvoir me faire
plaisir. Me
voici tout d’un coup arrêté par cet intermède philatélique. La
collection dont enfant j’ai hérité et que j’ai continuée
quelques années, il y a là sans doute une de ses sources. Des
timbres antérieurs à 1917, j’en avais beaucoup. C’est là sans doute que
j’ai acquis complètement par la bande mes premiers rudiments
d’Histoire et de géographie. Yvert et Tellier étaient les auteurs de
mes manuels. Et puis à l’adolescence j’ai tout arrêté. Une autre
activité qui s’était développée secrètement avait supplanté
la philatélie : celle que je pratique encore à l’instant. Mais
peut-être est-ce la même chose. Des timbres antérieurs à 1917, j’en
avais beaucoup ; mais des russes, à vrai dire, je ne
m’en souviens pas. Des français, bien sûr, des anglais, des
italiens, et puis de tous ces états qui devinrent de l’Allemagne, de
l’Autriche-Hongrie, un peu de Serbie, pas mal curieusement de
Bosnie-Herzégovine. Mais de Russie d’avant 17, non. Je ne m’en
souviens pas. Ça ne veut rien dire. Il faudrait que je regarde. Pour
la carte en question, j’essaierai, mais cela n’est pas très facile.
Je me conformerai au conseil de ma très chère sœur pour le lait. Je crois bien que c’est « pour le lait ». Je
ne me sers plus si souvent de
l’alcool car il y a une cuisinière à côté de notre chambre, mais il
est bon d’en avoir un peu pour faire chauffer quelque chose de pressé.
Vous pouvez donc m’envoyer une boîte tous les deux mois
par exemple. Le temps est toujours très beau quoiqu’aujourd’hui il
fasse très lourd et qu’on craigne un orage, c’est du reste une chose
très peu rare dans cette région. L’été dernier nous en
avons eu beaucoup. Parler moins du temps qui passe que du temps qu’il fait. Je
vous quitte mes chers parents en vous embrassant bien fort tous les
deux ainsi que Geneviève et Louis et toute la famille. Votre fils qui
vous aime de
tout son cœur.
La signature est encore plus illisible que d’habitude.
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