Ma
lecture d’autrui est polluée par moi-même. Moi-même est surtout
celui-là qui par ailleurs écrit et ne cesse de se rappeler à
la mémoire de celui qui lit et du coup j’avoue que c’est souvent que
je lis des choses qui n’y sont pas. Je ne devrais pas dire lire alors mais plutôt inventer
peut-être, mais
non car sans le texte préalable point de cette invention-là ; c’est
donc de la lecture encore, son versant singulier, celui que chacun est
seul à voir – quoi.
Broder
peut-être ne serait pas mal puisque le support textile y est supposé.
Je suis un lecteur très brodeur. J’ai
honte souvent. Ma lecture ne rend pas justice au texte. Les textes
que je lis n’ont pas besoin de moi, c’est justement parce qu’ils n’ont
pas besoin de moi que leur lecture me fait envie. Et les
lisant, voici que c’est moi qui m’y vautre. Une amnésie galopante
vient les recouvrir de ma propre lecture dont je m’éveille par instant
juste le temps de me rendre compte que ça n’a plus
rien à voir.
Lire
est impossible ; l’idée souvent me traverse – mais jamais celle
d’arrêter. Je me dis : il ne peut pas y avoir
plusieurs consciences à l’intérieur les unes des autres. Je me dis :
on ne vit que pour ça : être quelqu’un d’autre, quelques-uns d’autres
plutôt, en même temps que soi. Ça n’est pas
possible, mais c’est la direction. On fait l’amour aussi pour ça.
Comme tout est merveilleusement logique : quand on fait l’amour,
parfois, des enfants naissent. Ou alors on lit. Quoi
d’autre ?
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