Qui est le personnage principal d’Attachements, de Victoria
Horton ? Anna (« elle » du deuxième extrait) ? Mais pour
Anna, ne serait-ce pas plutôt Juliette (la voix du premier) ? Quant aux
hommes… Attachements
est un roman brillamment polyphonique, énigmatique aussi, où les
histoires des personnages, d’une génération à l’autre se font écho sans
se répéter vraiment, dans la fascination d’un personnage
pour le destin d’un autre, qui en devient la mise en abyme – en
abîme aussi, car on n’en finit pas de sonder des profondeurs vraiment
noires.
On en lira plus sur Livre-addict ; et on en lira déjà un
bout, pardon, deux bouts ici même :
Donc quand il a vu que ça allait comme ça lui il s’est barré à Champvallon. Donc moi j’ai dit J’attends. Si lui il s’en va moi
je peux rester là.
Oui,
mais ça ne pouvait pas durer. J’allais faire des courses il venait
pendant que j’étais pas là, il emmenait ce que j’avais
acheté. J’allais retirer de l’argent, je laissais l’argent dans la
maison, il me l’emmenait, il me le prenait donc je me retrouvais sans
rien et puis je n’avais qu’une moby… qu’un solex… qu’une
mobylette, tu comprends, pour aller faire les courses et tout,
c’était quand même pas facile. Que lui il avait sa voiture. C’était
agaçant alors j’ai changé les serrures, j’avais pas le droit, le
divorce était pas prononcé, j’avais pas le droit, la maison était
autant à lui qu’à moi. Donc un jour il a cassé les carreaux pour
rentrer, je pouvais rien faire, même pas porter plainte, les
gendarmes m’ont dit Non, vous n’avez pas le droit de porter plainte,
vous n’êtes pas divorcée. Je leur ai dit Vous rendez-vous compte ? Eh
bien vous partez de la maison c’est tout, vous lui
laissez la maison.
Donc
c’est là que j’ai dit Ben oui, mais la maison on l’a achetée, la
maison, moi je ne me vois pas… Alors l’assistante sociale
elle m’a dit Vous inquiétez pas je m’occupe et dans huit jours vous
avez un logement. Effectivement huit jours après j’avais un logement. Du
coup je suis partie avec mes enfants, j’avais
l’autorisation d’une assistante sociale, l’autorisation du maire et
tout. Si je partais seule je me mettais en tort.
Je me suis retrouvée aux HLM de Brécy. Les aides ont duré six mois le temps que je me remette à flot.
Marcel
il a continué trois ans tout seul, je sais pas trop ce qu’il faisait ni
où il habitait, je crois qu’il est resté un peu
dans la maison des Fourches et qu’il a squatté un peu partout, chez
ton père peut-être, et puis chez qui tu sais, oui, oui, chez Roland.
Victoria Horton, Attachements, Quidam, 2011, p. 105.
Et
elle me manqua, Maître, elle me manqua au-delà de toute mesure ; je
passai des hivers éteints et des printemps morts à
me languir d’elle, à espérer des lettres de Paris qui n’arriveraient
que si rarement, si irrégulièrement, et dont le contenu toujours
sibyllin, ou que j’estimais tel, me faisait imaginer une vie
de plaisirs et de fêtes auxquelles je n’étais pas convié, une vie de
découvertes intellectuelles que je ne partagerais pas, d’amitiés que je
trouvais louches, d’amours que je voyais forcément
ardentes et débridées. J’attendais surtout les séjours à Champvallon
où elle viendrait me voir, ou bien ne viendrait pas, selon qu’elle
aurait trouvé ou non le cran d’échapper à son père, à son
frère, qui, dès qu’ils la voyaient au village, faisaient leur
possible pour l’écarter de moi ; elle me ferait des promesses qu’elle
oublierait, des cadeaux pour se faire pardonner, me dirait
des paroles d’amour où son âme ne se tiendrait qu’un moment,
m’offrirait des caresses brûlantes où elle jurait céder malgré elle.
Elle
me demanderait l’impossible, m'appellerait au secours contre des
dangers qu’elle ne m’expliquait pas et dont elle n’avait
elle-même aucune vision claire, ne se donnerait que pour se
reprendre aussitôt dans une crise de larmes qui, me laissant dépourvu et
brisé, faisait monter en moi des envies de la gifler pour la
faire taire, car elle parlait trop, Maître, à tort et à travers. Je
la serrais dans mes bras, elle se calmait, j’étais heureux.
A
l’infirmerie de la maison d’arrêt, que je fréquente davantage depuis
qu’aux affres de l’insomnie s’ajoutent des
étourdissements qui font craindre un malaise vagal, j’obtiens
parfois d’être reçu par un jeune infirmier dont le profil, la démarche,
la voix et jusqu’à cette manière de se tenir attentif me
ramènent à des jours anciens.
Victoria Horton, Attachements, Quidam, 2011, p. 186-187.
Cette voiture, c'était tout un poème. La portière avant côté conducteur était coincée, aussi devait-il se glisser par la droite pour atteindre son siège, contorsion qu'il effectuait avec agilité. Il a roulé sans pare-brise jusqu'à la mi-décembre; c'est qu'habitué depuis longtemps au froid, endurci même je dirais, il ne le craignait guère; il craignait surtout « les flics », ce en quoi il avait tort sans le savoir: « les flics» le laissaient généralement tranquille, sachant de lui beaucoup plus qu'il croyait; ils savaient pertinemment qu'il n'avait pas d'assurance et ne payait pas sa vignette. Sans doute éprouvaient-ils une certaine lassitude et préféraient-ils réserver leurs forces et leurs heures à de plus sérieux délinquants.
Et voilà qu'à la mi-décembre, la 104 est arrivée en bout de course. Il a acheté une Ami 8 de quatrième main à un paysan, mais son erreur, c'est de n'avoir pas pensé à soulever le tapis. Le tapis, c'est son beau-frère qui l'a soulevé devant lui; ils ont alors découvert les marques d'une double-commande et le beau-frère en a fait des gorges chaudés, tu parles d'un cadeau de Noël, disait-il, Marcel s'était fait rouler! Il avait acheté une voiture d'auto-école!
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On amène chacun un bout du livre en commentaire et on essaye de le reconstituer. Celui qui y arrive gagne un abonnement d'un an chez Quidam.