Un
petit enfant mécanique occupe toute mon attention. Bien sûr je ne le
lui montre pas, je le laisse aller, je le laisse
se livrer à de petits jeux qui se découvrent être les mêmes, à ma
grande satisfaction, que ceux d’un enfant naturel. Il est en fait très
réussi, ce petit enfant mécanique : rien
extérieurement ne permet ne le distinguer d’un autre. Il est même
conçu de manière à pouvoir grandir, comme n’importe quel enfant.
Le
voilà aujourd’hui qui, pour la première fois, joue avec un autre enfant
– un vrai ! – apparemment du même âge.
Je passe tout mon temps à les observer, aussi discrètement que
possible. Rien ne pourrait me faire plus plaisir que ce spectacle, même
s’il y a au fond de moi quelque chose d’un peu douloureux, à
considérer cette croissante indépendance.
Ils
sont tous les deux tout seuls à l’étage du dessous, tandis que les
adultes prennent une sorte de frais nocturne à la
terrasse. Ce n’est peut-être pas très prudent, dites-vous, de les
laisser sans davantage de surveillance. Après tout, il n’y a qu’un muret
qui les sépare d’une route obscure et très
passante ; ils auraient vite fait de le franchir. Alors tout de même
je me résous à descendre les retrouver : s’il arrivait un malheur à
l’enfant mécanique, il n’est pas du tout certain
qu’il soit possible d’en réaliser un autre ; la conception de
celui-ci relève presque du miracle, au moins en partie, il faut le
reconnaître. C’est pourquoi me voilà à présent en pleine
précipitation, je ne sais par où descendre, je réclame à grands cris
des indications, on me montre l’ouverture de l’escalier qui descend,
tout près de moi ; elle est même signalée par une
flèche.
Me voici à l’intérieur de l’immeuble, appelons ça comme ça. Le décor, un peu chargé, ne manque pas de somptuosité, même
si les choses y sont un peu, disons, un peu petites.
Je ne sais pas si vous voyez bien ce que je veux dire. C’est l’une de
mes impressions en tout
cas quand je débouche à l’un des paliers. Il y a beaucoup de dorures
et de bois vernis, il y a même des étagères nombreuses plutôt
encombrées d’objets que je n’identifie pas ; il faut dire
aussi que je n’essaie pas, je n’ai pas le temps, il faut que je me
presse, que je trouve le bon chemin ! Par où d’ailleurs faut-il passer,
maintenant, avec tous ces escaliers ? Il y en
a au moins quatre qui partent du même palier. Certes ils sont on ne
peut plus décoratifs, avec leurs formes toutes différentes et
tarabiscotées. Mais outre le fait que j’ignore lequel est le bon,
leur ascension paraît assez risquée : les marches minuscules vont en
rétrécissant, et il n’y a pas de rampe. D’ailleurs certains se révèlent
être plutôt des échelles, destinées simplement à
permettre l’accès aux grandes vitrines qui me dominent. Heureusement
j’aperçois enfin, parmi toute cette confusion, une porte basse qui ne
mène à aucun escalier, mais à une large pièce aux
meubles bas et noirs étalés horizontalement sur le sol. Je la
reconnais soudain : c’est par ici que je suis arrivé. Comment ai-je pu
l’oublier ?
C’est maintenant par ce large escalier tendu de moquette rase et grise qu’il faut descendre. Ne pas se perdre n’est plus
un problème : il suffit de suivre le groupe.
Ce
n’est d’ailleurs pas la première fois que nous visitons ce musée. Il me
semble bien pour ma part que c’est la
troisième. Au bas de l’escalier qui tourne, une (cir)conférencière
appelle les plus jeunes du groupe, des enfants d’une dizaine d’années, à
s’asseoir par terre ou sur les marches. Quelques
adultes invitent les enfants à reproduire des sons étranges qu’ils
émettent avec leur bouche. Ça a l’air amusant, et bien que je sois déjà
un adolescent, je me précipite avec quelques copains et
nous nous installons, assis en tailleur, prêts à participer.
Les
enfants, naturellement, ne sont pas tous très sages. En voici plusieurs
qui entreprennent de sauter des marches de
l’escalier, et ce d’une hauteur vraiment peu raisonnable (je dirais
bien une quinzaine de marches). Je dois reconnaître que je suis assez
surpris et un peu épaté de me rendre compte que certains
y parviennent fort bien, et que ceux qui tombent réussissent
toujours à ne pas se faire mal.
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