Cependant
ma situation, comme souvent, est assez inconfortable. Pourtant le décor
est somptueux : c’est une vaste
salle richement décorée. Osons clairement proférer cette évidente
réalité : je suis visiblement dans un palais. (Peut-être même mon
costume est-il en accord avec ce décor ancien : de
vastes pans de tissu brodé me recouvrent.)
Cependant
je ne suis pas le roi ; en effet le voici, et sa tenue indiscutablement
est plus riche que la mienne.
D’ailleurs il est très entouré, et tout le monde l’écoute. Il
souhaite charger quelques gens de lettres, dont naturellement je fais
partie, d’un travail : la mise en forme, la rédaction d’un
morceau littéraire, dont il nous fournirait l’argument. C’est plutôt
une bonne nouvelle, de se voir confier une telle tâche par un
personnage aussi important (même si, au fond de moi, je
préfèrerais mener à son terme un projet entièrement personnel).
Et
voici que notre souverain nous remet, directement sur le papier, la
matière première de notre travail, en nous
faisant part de ses dernières recommandations. Je suis plutôt
surpris : j’ai entre les mains une liasse de papier vraiment imposante,
couverte d’une écriture serrée. Le roi a dû se rendre
compte de mon étonnement : le voici à présent qui donne quelques
explications, qui présente même de vagues excuses formelles. En effet,
cette masse de texte est assez considérable, il le
confirme ; elle est même à son avis nettement excessive. C’est
pourquoi notre tâche devra exclusivement consister à retrancher de cette
production tout ce qu’il sera possible. En aucun cas
nous ne sommes autorisés à rajouter quoi que ce soit de notre propre
cru.
Me
voici bien déçu et bien frustré, d’autant plus que le roi nous fait
comprendre que les tâches qu’il nous confiera
dans l’avenir seront de la même nature, cela ne fait aucun doute. Je
ne peux m’empêcher de lui faire savoir que tout de même, j’aurais bien
aimé avoir la possibilité, au moins une fois, d’écrire
quelque chose entièrement par moi-même. Vous me comprenez sûrement.
Il me répond directement cette fois, en me toisant de son regard
empreint d’un dédain un peu amusé : « Ainsi vous
avez l’ambition d’écrire un pamphlet ? » Il me semble même qu’il m’a
appelé Molière.
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