Mettons-y un e derrière et un la devant, et la LaureLie me devient un petit pays où l’on retourne, sûr de la variété de ses étonnants paysages. On peut, cet automne, y rencontrer d’héroïques figures. Sam assurément en est une autre, non des moindres ; jugez plutôt :
« On
aurait pu compter ses côtes et, avec un peu de patience, ses cheveux.
Blonds et fins ils folâtraient, autour
d’une tonsure naturelle. Un nez long et rouge, des dents courtes et
bistres, un front large et rose, des yeux brefs et gris : son visage
dans les grandes lignes, une carte plus détaillée
aurait compris les chemins de traverse d’une quarantaine plus trop
lointaine mais, dans cette faible lumière nocturne, on se contentait
d’un schéma ; Sam, coquet, ne s’en plaignait pas, le
caleçon mité bouffant à l’entrejambe, les pieds écartés rappelant
le canard, la légère voussure dénonçant l’indolent, bien assez pour ne
pas pavoiser. Non, non, il n’enviait pas ce foutriquet
barbu qui exhibait ses pectoraux sous un marcel et une écharpe en
lin kaki, pas la peine de lui offrir d’intervertir leurs corps il
n'aurait pas voulu. Ni de son âge, surtout pas. À vingt ans il
ne comprenait rien à rien alors qu’aujourd’hui, pardon, posez-lui
n’importe quelle question. Un peu plus loin on pouvait se glisser dans
l’eau sans risquer de se rompre le cou et comme il y
gagnait aussi d’entendre moins les rires et les guitares de ces
petits cons, il n’hésita pas plus longtemps et rampa vers la mer – tiède
et un peu grasse, ce qui le surprit. Qu’il y serait bien.
Ça le remuait toujours autant de barboter dans la matrice, il
marchait à fond dans cette histoire de mère nourricière et qu’elle fût
ténébreuse et scintillante, quoique d’huile, échevelait un
peu plus encore son délire. Bienfaisante nuit des origines ! Il y
fit trois brasses et se fatigua, se convertir en planche était plus dans
ses cordes. Seules les plus grosses étoiles
perçaient le brouillard de gazole qui plombait la ville et pour tout
dire ce ciel simplifié le réconfortait, il fallait être mieux armé
qu’il ne l’était en cet instant pour affronter un vrai ciel
étoilé tout vibrant d’éclats innombrables, imbitable et vaste. Le
silence se fit peu à peu, les babs en bois pliaient bagage.
Il flotta pendant dix secondes parfaitement exquises.
(Les
yeux clos, un autre espace glacé s’ouvrait, au-delà du claquement mat
et irrégulier de l’eau contre les oreilles
une autre eau plus épaisse et sourde à la rumeur du monde se
mouvait, s’écoulait, attendait, caressait continûment du sable comme en
témoignait ce son, frêle et curieusement proche, de grains
glissant les uns sur les autres.)
Puis un courant froid vint saisir son dos tel un steak un feu, un paquet d’algues poisser son coude, une lichette d’eau
saler ses lèvres. Il bascula à la verticale, toussa, cracha, nagea vers la rive. »
Didier da Silva, Treize mille jours moins un, LaureLi Léo Scheer, p. 31-32.
Rappelons que ce même Sam eut l’an dernier un ancêtre fameux, autre grand aventurier urbain, rencontré précisément sur ces Lignes de
fuite – lequel eut la bonne idée de me présenter son auteur. Santé !
Commentaires
merci pour ce double lien et (puisque c'est mon premier
commentaire) bienvenue dans l'océan de la blogosphère (pour filer la
métaphore) !
Commentaire n°1
posté par
cgat
le 14/11/2008 à 01h03
C'est à moi de vous remercier pour cette découverte - et pour
d'autres... ainsi que pour vos voeux océano-blogosphériques (je crains
en effet la noyade - à moins que je ne la désire ?)
Commentaire n°2
posté par
PhA
le 14/11/2008 à 13h18