vendredi 1 avril 2016

Les sonnets de Lautréamont

Un petit hommage à Lautréamont, dont on va bientôt fêter le 170e anniversaire. On connaît bien les Chants, beaucoup moins les deux uniques sonnets (et le second en est-il un ?) d'une vraisemblable série alphabétique inachevée ou perdue que je découvre à l'instant dans l'édition de la Pléiade qu'on m'a gentiment offerte à Noël, et que je vous recopie ci-dessous.



S

Sous la terre éclairée de soleils insolites
Se love aux galeries ignorées le Serpent,
Guetteur de l’ombre enfin qui le soir se répand
Et s’insinue malgré les clartés sélénites.

Contemplant la voûte où la lumière se pend
Les anneaux ophidiens, durs et froids zoolithes,
Imitent les anciens temples préadamites
Où de l’envoûtement nul point ne se repent.

Sinueux souverain du monde sublunaire,
Le culte en reptation paraît imaginaire
Aux rationnels savants de l’axe vertical.

D’eux, bipèdes imbus de leur vaste cervelle,
La sinuosité blanche et molle révèle
La noble Ophidité de leur mal cortical.



O

Oroboro oroboro oroboro !
Oracle rendu par le prêtre troglodyte
D’un peuple d’ophidiens souffrant d’encéphalite.
O — long cri rond sans fin du retour à zéro.

Ordre où finalement la source est estuaire
Et la naissance inscrite en livre obituaire.
Où, dans l’ultime instant, un retour radical

Change un serpent mortel en lien ombilical,
En berceau une bière obscure et mortuaire,
En langes délicats un pale et froid suaire.

Ordre où sans fin l’on voit les mêmes numéros
Décrire dans l’espace une éternelle orbite
Autour d’une origine aux grands vers circonscrite.
O — l’Omphale au tour d’or orné d’Ouroboros !


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2 commentaires:

  1. C'est magnifique. Merci.
    (A lire de vive voix, je viens de le faire, ça coule comme une source d'eau claire).
    Que vive la poésie!... et Lautréamont.

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    1. C'est moi qui vous remercie, chère Ambre, de ce beau compliment !

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