lundi 25 août 2014

lectures de vacances



Je me disais que j’allais faire un billet sur chacune de mes lectures de vacances (enfin, celles qui le méritent) mais non, c’est sur l’instant ou pas du tout.
Ou presque rien. Quand même : Réparer les vivants de Maylis de Kerangal est vraiment un très beau roman, très maîtrisé sans que je sois tenté de glisser dans ce qualificatif la connotation péjorative qu’on y trouve parfois. Et terriblement émouvant, forcément. Il n’y a guère que sur les « brassées » de cyclamens et sur le pétale de digitale que j’ai un peu tiqué, il est toujours risqué de mettre des plantes dans un livre sans me demander avant.
D’Arno Schmidt figurez-vous que je n’avais lu que Cosmas ou la Montagne du Nord, Scènes de la vie d’un faune est ma grande découverte de l’été. Je le relirai sûrement.
Les relectures, c’est l’été que j’essaie d’en trouver le temps. Celle du Côté de Guermantes I sous le signe des réflexions sur le langage, avec Françoise et le Duc de Guermantes quasi en miroir, le duc de Guermantes dont le parler aristocratique évoque les paysans d’autrefois tandis que Françoise dans ses expressions campagnardes croise La Bruyère, Saint-Simon ou Madame de Sévigné.
Le langage à lui seul est une histoire de temps qui passe : quand Madame Swann répond « je n’ai pas réalisé » (c’est Proust qui souligne) « en employant un terme traduit de l’anglais », c’est un écho aux affectations maladroites de l’Odette d’autrefois, alors que cet anglicisme qui ne fait plus broncher que les puristes passerait pour du français trop classique aux yeux d’une Odette d’aujourd’hui.
A ce titre, le qualificatif bien pensant si en vogue aujourd’hui pour dénigrer une sorte de gauche molle et prétendument pleine de bons sentiments faciles (si j’ai bien compris), est joliment employé par Madame de Marsantes pour louer les qualités du prince de Faffenheim-Mubsterburg-Weinigen : « je sais qu’il est très bien pensant (…). C’est l’antisémitisme en personne. »
J’ai relu Watt, aussi, peut-être sous l’influence d’Arthur Bernard (ma précédente lecture était bien vieille de trente ans). C’est vraiment le roman sur l’épuisement des possibilités. Et puis – mais ça ce n’est bien sûr pas une relecture – la fameuse correspondance de Beckett, 1929-1940. « Et bien sûr ça pue le Joyce malgré mes efforts les plus sérieux pour le doter de mes propres odeurs », écrit-il dans la lettre à Charles Prentice du 15 août 1931. Combien de fois je me suis dit la même chose – sauf que je ne pensais pas à Joyce.

2 commentaires:

  1. Relu moi aussi Le Côté de Guermantes cet été et, comme vous, j'ai été particulièrement sensible aux réflexions de Proust sur le langage, un Proust toujours à contre-courant des idées reçues. Le langage et le temps qui passe : oui, les anglicismes d'Odette, si affectés pour l'époque, font sourire aujourd'hui et semblent bien anodins, noyés dans le flux des anglicismes qui baignent notre quotidien...
    Dans Sodome et Gomorrhe, il y a aussi un magnifique passage sur le langage des deux courrières de l'hôtel dont l'une s'appelle..... Céleste Albaret.

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    1. En fait cette banalisation de l'anglicisme "réaliser", c'est un peu la victoire d'Odette.

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