Je me disais que j’allais faire
un billet sur chacune de mes lectures de vacances (enfin, celles qui le
méritent) mais non, c’est sur l’instant ou pas du tout.
Ou presque rien. Quand
même : Réparer les vivants de Maylis de Kerangal est vraiment un
très beau roman, très maîtrisé sans que je sois tenté de glisser dans ce
qualificatif la connotation péjorative qu’on y trouve parfois. Et terriblement
émouvant, forcément. Il n’y a guère que sur les « brassées » de
cyclamens et sur le pétale de digitale que j’ai un peu tiqué, il est toujours
risqué de mettre des plantes dans un livre sans me demander avant.
D’Arno Schmidt figurez-vous que
je n’avais lu que Cosmas ou la Montagne du Nord, Scènes de la vie
d’un faune est ma grande découverte de l’été. Je le relirai sûrement.
Les relectures, c’est l’été que
j’essaie d’en trouver le temps. Celle du Côté de Guermantes I sous le
signe des réflexions sur le langage, avec Françoise et le Duc de Guermantes
quasi en miroir, le duc de Guermantes dont le parler aristocratique évoque les
paysans d’autrefois tandis que Françoise dans ses expressions campagnardes
croise La Bruyère, Saint-Simon ou Madame de Sévigné.
Le langage à lui seul est une
histoire de temps qui passe : quand Madame Swann répond « je n’ai pas
réalisé » (c’est Proust qui souligne) « en employant un terme
traduit de l’anglais », c’est un écho aux affectations maladroites de
l’Odette d’autrefois, alors que cet anglicisme qui ne fait plus broncher que
les puristes passerait pour du français trop classique aux yeux d’une Odette
d’aujourd’hui.
A ce titre, le qualificatif bien
pensant si en vogue aujourd’hui pour dénigrer une sorte de gauche molle et
prétendument pleine de bons sentiments faciles (si j’ai bien compris), est
joliment employé par Madame de Marsantes pour louer les qualités du prince de
Faffenheim-Mubsterburg-Weinigen : « je sais qu’il est très bien
pensant (…). C’est l’antisémitisme en personne. »
J’ai relu Watt, aussi,
peut-être sous l’influence d’Arthur Bernard (ma précédente lecture était bien
vieille de trente ans). C’est vraiment le roman sur l’épuisement des
possibilités. Et puis – mais ça ce n’est bien sûr pas une relecture – la
fameuse correspondance de Beckett, 1929-1940. « Et bien sûr ça pue le
Joyce malgré mes efforts les plus sérieux pour le doter de mes propres
odeurs », écrit-il dans la lettre à Charles Prentice du 15 août 1931.
Combien de fois je me suis dit la même chose – sauf que je ne pensais pas à
Joyce.
Relu moi aussi Le Côté de Guermantes cet été et, comme vous, j'ai été particulièrement sensible aux réflexions de Proust sur le langage, un Proust toujours à contre-courant des idées reçues. Le langage et le temps qui passe : oui, les anglicismes d'Odette, si affectés pour l'époque, font sourire aujourd'hui et semblent bien anodins, noyés dans le flux des anglicismes qui baignent notre quotidien...
RépondreSupprimerDans Sodome et Gomorrhe, il y a aussi un magnifique passage sur le langage des deux courrières de l'hôtel dont l'une s'appelle..... Céleste Albaret.
En fait cette banalisation de l'anglicisme "réaliser", c'est un peu la victoire d'Odette.
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