Tandis que je pense à lui, il devient un thème. Les phrases l’emportent dans un texte qui, à la fois, éclaire et opacifie
l’essence du personnage.
Ecrire
sur un homme signifie : détruire la réalité de sa vie pour la réalité
d’une langue. La structure de la phrase exige
à nouveau la mort du défunt. Le détruire et le créer relèvent d’un
même processus de travail. Mais je ne veux pas avoir raison contre mon
thème.
Que
reste-t-il de l’homme vivant ? Quelle sera la partie visible de lui
dans le mécanisme des phrases ? Peut-être une
idée de son caractère, les contours fuyants ou fixes d’un
portrait-robot. Sans inventer, on ne s’en sort pas. De sa personne, je
n’ai rien inventé, mais choisi et condensé (impossibilité de
représenter sans jauger) J’ai fait des phrases, donc : inventé une
langue.
Inventer révèle et dissimule l’homme.
Christoph Meckel, Portrait-robot. Mon père, Quidam, 2011, p.55-56.
Lecture en cours.
Le chemin inverse est rassurant, il nous arrive d'atteindre la réalité d'une vie à partir de la réalité d'une langue. Du moins on en a l'intuition sans que jamais dans ce domaine aucune preuve tangible ne soit présentée. Des biographies exceptionnelles, des romans nous en donnent le pressentiment. Mais écrire sur un père renvoie le fils à sa propre obscurité... nul ne se connaît alors connaître l'autre... tient de l'imaginaire.