Mika Biermann (Mika
Biermann, c’est notamment le récent auteur de Mikki et le village miniature,
rappelez-vous) a écrit un roman où il est question du temps qui s’arrête,
ralentit ou même retourne en arrière, selon par exemple qu’on est du pays ou
qu’on arrive d’ailleurs ; et tout cela avec une rigueur quasi
scientifique : impossible d’agir sur un monde au temps arrêté ; tout
y est dur et figé, on s’y transperce les doigts au contact des poils d’un lapin
qu’on veut saisir, on s’y trancherait le cou à se précipiter imprudemment
contre un fil d’araignée. Les règles du genre vous sont familières, vous l’avez
à coup sûr reconnu : Booming, le nouveau roman de Mika
Biermann, aux éditions Anacharsis, est évidemment un western (un peu
à la même manière de son auteur qui, au cas où vous ne le sauriez pas, est un
Allemand de Marseille).
Ce qui est bien pour ce blog avec
Mika Biermann, c’est qu’il me donne l’occasion de tenir les propos les plus
aberrants en apparence tout en respectant la plus scrupuleuse vérité. Mika
Biermann était tout récemment l’invité de la librairie Charybde, je l’ai écouté
attentivement ; c’est indiscutablement un Allemand de Marseille qui a
écrit un roman sur les contractions et les dilatations du temps, lequel roman
se révèle et même s’annonce franchement comme un western – ce qu’il est
vraiment, car l’auteur n’est pas de ceux qui trompent leurs lecteurs sur la
marchandise.
D’ailleurs si je vous dis que
Pato Conchi et Lee Lightouch se rendent à Booming parce que Kid Padoon a enlevé
la fiancée de Conchi, et que c’est là la motivation première et essentielle de
nos deux protagonistes (enfin, surtout de Conchi, on le comprend) – car ils
vont par deux –, vous admettrez que j’ai raison, ou tout au moins que je n’ai
pas encore complètement perdu cette dernière. Tous les ingrédients du western
sont là : le paysage, d’abord, le seul à s’en tirer un peu parce que moins
atteint par la frénésie de mouvement qui nous anime ; et puis les
personnages, les bandits, le shérif véreux, les prostituées, le croque-mort ;
et les thèmes, qui sont comme la musique du roman, la belle amitié d’abord qui
lie nos deux héros, le destin dessiné par la trajectoire des balles en suspens,
dont on sait à l’avance les victimes sans pouvoir les sauver si l’envie nous en
prenait – et quand le temps se ralentit le western un instant devient
spaghetti, gros plans sur la balle qui approche, sur le visage grimaçant de sa
cible ; et puis, surtout et de plus en plus au fur et à mesure qu’on
avance dans la lecture, la nostalgie, car le western reste avant tout pour nous
l’évocation mythique d’un passé pourtant récent mais déjà disparu.
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