Voilà. La carte suivante n’est pas la suivante. Me
voici de nouveau en août 1916. Ça veut dire qu’Edmond n’est plus à Bütow. Il
est parti, il est rentré. Il est retourné chez ses parents. C’est un tout jeune
homme, il a encore sa place là-bas. Même si cette maison, à Amiens, au 17 rue
de l’Abbaye, il ne la connaît pas encore. De même qu’il ne connaît pas encore
Anne-Marie, qu’il rencontrera à Amiens, et qui deviendra ma grand-mère. Parce
que lui, Edmond, ne deviendra jamais mon grand-père. Il aura six
petits-enfants, mais il ne deviendra jamais le grand-père de personne.
Son estomac, dont il se plaint dans quelques-unes des
cartes que j’ai recopiées, l’emportera, dans dix ans à peine. Il est probable
que c’est à sa captivité qu’il doive sa mort juste retardée, comme il lui doit
peut-être aussi sa survie. C’est là, dans les terrains clôturés de Reisen et de
Bütow, dans le petit rectangle plus de cent fois répété de la carte postale, à
chaque fois trop courte pour tout le rien qu’il lui faut dire, pour dire aux
siens que oui, il est là, il vit ; c’est là qu’enfin un petit-fils de
cinquante ans fait connaissance avec le tout jeune homme qui aurait dû être son
grand-père.
Émouvant billet qui se passe de commentaire.
RépondreSupprimerÇa va me faire un vide.
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