Si vous avez lu le récent billet
où l’ami Didier évoque Pas Liev, vous n’avez pas manqué de remarquer son
voisin, le séduisant Oreilles Rouges et son maître de François Matton.
Le soir où j’ai découvert ce billet (allez, une fois n’est pas coutume, je raconte
un peu ma vie), je rentrais de Paris où je suis allé enregistrer les premières
pages de Pas Liev pour l’émission les Bonnes Feuilles, sur France
Culture (ça n’est pas tout de suite, on en reparlera en son temps). Et puisque
j’étais à Paris, j’en ai profité pour faire un peu les boutiques, où j’ai
justement acheté… devinez quoi ? Oreilles Rouges et son maître, je
ne savais même pas qu’il était paru, qui est allé dans mon sac rejoindre mon
exemplaire de Pas Liev (et de Booming, que j’étais en train de
lire). Bref à mon retour je sors les livres de mon sac, je les pose sur le
bureau, j’allume l’ordi, je vais danser de travers chez Didier da, et qu’est-ce
que je vois ? Les deux mêmes livre que sur ma table. Voilà pour la petite
histoire.
Donc : Oreilles Rouges et
son maître.
François Matton a un maître. Ou
plutôt non : François Matton a un disciple. Enfin bref François Matton a
un maître et un disciple qui, comme tout bon maître et tout bon disciple,
raisonnent sur le sens de la vie quand, par exemple, Oreilles Rouges
s’ennuie : « En réalité, tu ne t’ennuies pas. De l’ennui apparaît,
voilà tout. C’est un simple phénomène météorologique, qui ne te concerne pas
plus que ne te concerne le fait que le vent se lève en fin de matinée »
(p. 75). Mais le plus souvent, raisonner sur le sens de la vie, c’est surtout
s’interroger sur le moyen de gagner cette dernière car les caisses sont vides –
heureusement qu’il reste quelques noisettes. Comment faire pour gagner sa vie
en effet quand on la passe à dessiner ce qu’on a en face de soi (Croquette – la
chatte) ou ce qui passe par la tête ? Car Oreilles Rouges et son maître,
en effet, dessinent. Et ils se montrent leurs dessins. Et ils nous montrent
leurs dessins.
Par exemple. (Là par paresse j’ai
recopié le dessin de la couverture mais il est aussi à la page 62. Même que
c’est un dessin d’Oreilles Rouges, sévèrement jugé par le maître.)
Les dessins sont de François
Matton (enfin, presque tous, j’ai un doute sur celui de la page 55, le maître
aussi d’ailleurs, vous irez voir) car François Matton a beau écrire des livres,
en général il les dessine (rappelez-vous 220 satoris mortels et autres J’ai tout mon temps ou Autant la mer) et l’écriture est la sienne. Je crois bien que c’est la première
fois que j’en lis un de lui en caractères d’imprimerie. On dirait un vrai
livre. Le vrai livre en question.
« – Vous ne voulez pas
essayer d’écrire un livre cette fois ?
– Qu’est-ce que tu veux
dire ? Mes précédents livres n’en étaient pas ?
– Si si, à leur façon, oui, bien
sûr… Mais vous ne voudriez pas essayer d’écrire pour de bon, sans
illustrations ?
– Misère. Si mon propre assistant
n’a toujours pas compris que mes dessins ne sont pas des illustrations, je peux
aller me pendre tout de suite, ça nous fera gagner du temps. » (p. 82)
On aura compris, le doute n’est
plus permis sur les identités d’Oreilles Rouges et de son maître. Si un jour
vous rencontrez un gars en train de se tirer les oreilles jusqu’à ce qu’elles
soient bien rouges, demandez-lui donc de vous faire un dessin, vous ne serez
pas déçu. Sauf si vous lui demandez une illustration.
La traditionnelle figure du
maître et du disciple est régulièrement revisitée, et parfois, on le voit avec Oreilles
Rouges et son maître, avec bonheur (pour le lecteur, hein). Très différents
du livre de François Matton et très différents entre eux mais qui méritent
aussi la visite, rappelons notamment Demande au muet d’Hervé Le Tellier
et Une pluie d’écureuils de Francesco Pittau.
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