Ecrivain est le nom d’une
ambiguïté. On aurait bien aimé s’en passer. On aurait bien aimé se contenter
d’écrire et que l’édition soit une sorte de miracle qui fasse parvenir le texte
au lecteur à qui il parlera sans plus se soucier de rien. Mais non. Un jour on
voit la mention accolée à son nom. On avait déjà du mal à assumer d’avoir ce
nom, ces mots qui prétendent nous résumer à quelques gesticulations de nos
organes sonores, voilà qu’en plus on est obligé d’endosser un statut social
supplémentaire. Ecrire, ça traîne derrière soi sans qu’on y pense, ça trempe
dans le bouillon sans qu’on y puisse rien ; il y a un truc qui s’agglutine
au bout, fait de toutes sortes de choses auxquelles on n’avait pas pensé, et
voilà. Il fallait un mot pour tout ce qui s’agglutine derrière soi quand on
écrit et c’est écrivain qu’on a trouvé. On n’y échappe pas, sommé de
l’être. On est un autre encore, qu’on n’avait pas prévu. Le VRP de soi-même, la
plupart du temps. C’est comme ça. Alors puisque c’est comme ça on va faire
comme ça. On va même essayer de le faire bien. On va même essayer d’y prendre
du plaisir. Et bien sûr on va y prendre du plaisir.
Il reste une autre éventualité. Ce livre qu'on a écrit, auquel on a peut-être consacré plusieurs années, après avoir mis le point final quand on s'est dit que c'était peut-être le bon moment de l'y mettre, eh bien, on peut parfaitement l'oublier. Il est là, sous forme de manuscrit sur un bureau ou de document dans l'ordinateur, mais déjà on ne s'y reconnaît plus, il est en dehors de nous, comme un objet séparé qu'on ne regarde plus que du coin de l'oeil. On n'a même plus envie de cette course à l'éditeur.
RépondreSupprimerMais il faut bien vivre, me direz-vous, tout travail mérite salaire, mais l'édition fait-elle vivre? C'est vrai, j'oubliais : le plaisir.....
C'est même l'éventualité la plus fréquente. Combien de textes écrits qu'on n'a jamais même envisagé de publier...
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