mardi 22 avril 2014

Mon jeune grand-père (35)

Le 7 mai 1917. Mes chers parents.
Le courrier arrive d’une façon bizarre en ce moment, après être resté 4 jours sans rien recevoir j’ai reçu hier soir les cartes de papa des 19.20.21 et la lettre de maman du 22. Les colis n’ont pas été très nombreux ; sont arrivés les paquets postes n°s 5.8-9.10.11.12 – tous en bon état, mais aucun colis gare. La rubrique obligatoire du courrier qui se commente lui-même génère son propre style, avec cette inversion du sujet quasi administrative. Le temps continue à être magnifique et c’est un vrai plaisir de flâner dans le parc. Le temps continue à être magnifique et c’est un vrai plaisir de flâner dans le parc. C’est un vrai plaisir de flâner dans le parc. Je suis content de savoir que mon oncle va mieux et qu’il sera bientôt rétabli. L’oncle Hector de la carte du 23 avril ; Hector Mangot qui mourra le 21 septembre suivant – sans que je puisse dire si cette mort aura un rapport avec sa maladie. On meurt de toute manière beaucoup en 1917. Cette brave tante, je comprends qu’elle soit plus heureuse car avec ses manies, elle ne devait pas être à son aise là-bas. Je continue le kerbschnitt tout doucement. Je vais avoir fini la deuxième du service à fumeurs de Louis. Avec un s, donc. Pourquoi pas, j’imagine qu’on pouvait offrir à fumer avec. Nous n’avons plus cet objet-là. Il a été perdu il y a longtemps, peut-être même pendant la guerre. Mais en ce moment avec le beau temps j’en fais un peu moins ; ainsi hier dimanche je n’ai pas travaillé du tout, je suis resté toute la journée dehors. La liberté est une impression. Je continue à travailler mon allemand et mon anglais. Je commence à pouvoir causer un peu. Je pense souvent à tout le mal que ma pauvre maman se donne pour confectionner mes conserves et mes colis. Je l’en remercie de tout mon cœur. Vivement que je puisse la remercier de vive voix et l’embrasser bien fort. Je vous quitte mes chers parents en vous embrassant bien fort tous les deux ainsi que Geneviève et Louis, Madeleine, et Jean et toute la famille. Mon bon souvenir à tous les amis. Votre fils qui vous aime de tout son cœur. EA Pour ces fins de cartes il y a longtemps que j’ai prie l’habitude de faire un copié-collé et de procéder ensuite aux minuscules variantes. Ces cartes font partie d’un rite, et leur contenu lui-même relève du rite. Le rite est cette chose un peu absurde qui vous rassure dans un monde absurde, à la condition qu’on n’y déroge pas.

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