Bien
sûr c’est facile à dire quand soi-même on élude régulièrement
l’exercice, mais la critique littéraire c’est quand même bien
quand c’est un écrivain qui la fait. Je me disais ça tout à l’heure
en discutant avec moi-même et je me cherchais des exemples pour terminer
de me convaincre et franchement c’était trop facile
parce que je viens d’acheter le Cannibale lecteur de Claro
dont je suis régulièrement le Clavier du même nom, et par association
d’idées blogosphériques je me disais Jourde et très vite
beaucoup d’autres dont certains ont même écrit sur mes propres
livres ; ceux-là je ne vais quand même pas les nommer mais franchement
ce sont toujours des articles d’une belle tenue, au
point d’arriver à être intéressants pour l’auteur lui-même. Et très
vite mon contradicteur intérieur de me faire remarquer que de nombreux
critiques littéraires ont publié des romans. Comment dès
lors faire la part entre des écrivains qui pratiquent aussi la
critique littéraire et des critiques qui commettent des romans (souvent
publiés chez de gros éditeurs, soit dit en passant, ce qui
n’est pas nécessairement une circonstance aggravante mais peut
l’être) ? Mes envies de lecture sont évidemment un critère indiscutable
mais quelque peu limité par leur caractère privé. Tant
pis.
Car
il nous reste l’excellente question du sujet, qu’on n’épuisera jamais.
Les livres dont on parle – entendez : les livres
dont les journalistes parlent le plus – sont quasi toujours des
livres à sujet. Le livre peut être bon, c’est quand même d’abord son
sujet qui fera qu’on en parle. En finir avec Eddy
Bellegueule, par exemple. Pas lu, rien à dire. Mais le sujet en
lui-même, celui-là ou un autre, même moins spectaculaire mais
immédiatement identifiable comme celui de la petite communiste qui ne souriait jamais
(que j’ai lu et bien aimé) facilite évidemment la rédaction
d’articles : ceux-ci risquent de parler moins du livre que du sujet
mais peu importe. Il est par exemple beaucoup moins facile de parler de l’Accumulation primitive de la noirceur
(que j’ai lu aussi et trouvé excellent) parce que le
sujet n’est pas immédiatement discernable (c’est plutôt un sujet en
creux) – d’ailleurs j’en ai lu quelques recensions élogieuses en réalité
assez pauvres pour vraiment rendre compte du livre. Et
c’est assez naturel. Le sujet est essentiel à la pratique
journalistique, il en est la première condition. Que le journalisme
fasse la part belle à la littérature du sujet, c’est dans l’ordre
naturel des choses. Dans le pire des cas, le journaliste ayant la
notoriété qui lui permettra d’être publié facilement renchérira lui-même
dans la littérature du sujet : la littérature
devient le moyen de se libérer du devoir de réserve propre au
journalisme, où peut tranquillement s’effacer la tension entre
l’objectivité attendue et la subjectivité inévitable. Une sorte de
journalisme dégradé, en somme, où la littérature ne trouvera au
mieux comme alibi que la « qualité de l’écriture ». On y perd de tous
les côtés.
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