lundi 28 octobre 2013

Bleu horizon de Danielle Auby


Je viens seulement de voir que Jérôme Garcin avait fait paraître chez Gallimard un roman intitulé Bleus horizons autour de la figure de Jean de la Ville de Mirmont et je me souviens qu’on croisait déjà ce poète dans un autre Bleu horizon mais au singulier celui-là même si les destins brisés d’écrivains s’y écrivaient au pluriel. C’était dans le beau livre de Danielle Auby, Bleu horizon donc et paru chez Flammarion il y a juste vingt ans ; j’ai même écrit quelques mots dessus avant l’ouverture de ce blog ; il en aurait mérité davantage :
 
Dire la vie de ceux qui n’ont pas vécu
 
La littérature n’est jamais si belle que lorsqu’elle reconnaît d’avance l’impossible et l’admet, et qu’elle se fait quand même avec et contre lui. Impossible de dire la vie de ceux qui n’ont pas vécu. C’est pourtant ce qu’entreprend de faire Bleu horizon : redire avec les mots de l’imagination (pas ceux de la fiction) la vie possible et arrêtée – arrêtée par la guerre qu’on appela « grande » – d’une cinquantaine d’hommes (parmi 560) qui pour la plupart n’avaient en commun que l’ambition d’écrire et auxquels une forêt du Languedoc plantée en 1931 a voulu rendre hommage. En commun, l’Histoire leur donna l’uniforme « d’un bleu délavé qu’on appelle horizon » (je cite de mémoire) et cette fin de fer et de boue ; si bien qu’au bout du compte, dans les mémoires s’appauvrissant, dans les hommages gauches ou gauchis ils finissent par tous se ressembler, quasi indistincts les uns des autres, comme sur la photo de couverture. Impossible si longtemps après de dire vraiment qui ils furent, eux qui ont cessé d’être même lorsque, privés de l’usage de leurs jambes, ils ont officiellement survécu. La force du livre, c’est de redonner vie à des instantanés singuliers : un enfant étreignant un lilas et s’en barbouillant la figure, un autre en contemplation d’un plancher de verre que des années plus tard il ne quittera plus, un jeune cavalier élégant entraînant son cheval aux cercles parfaits dans la neige, auxquels viennent se superposer les personnages de leurs livres aussi interrompus, dans l’attente de ce qui ne viendra pas.
 
Mai 2007.

Commentaires

Dans le même esprit j'ai lu les"poèmes de Büchenwald", recueillis par André Verdet, et publiés par Gallimard. Lui aussi avait recueilli et réussi à sauver des poèmes dont les auteurs sont morts là-bas.
Commentaire n°1 posté par Lza le 30/10/2013 à 09h13
Là ce sont des moments de vie, comme pris sur le vif. Et comme ma lecture n'est pas récente ça devient des souvenirs : maintenant je me souviens d'eux. C'est ce qu'il fallait.
Réponse de PhA le 31/10/2013 à 17h44

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