A propos de la représentation de la littérature, donc (puisqu’au au fond c’est le premier sujet
de ce blog). Vite fait
mais quand même. Crise pour la contemporaine. Pas crise de la
littérature contemporaine, hein ; crise de sa représentation. Comment en
serait-il autrement, quand les critiques laudatives
d’un roman (parce qu’un livre, quand c’est de la littérature, c’est un
roman) limitent ses critères à la composition (le plan, quoi), l’écriture (en plus, ce livre, il est bien écrit ! (oui, l’écriture, ou le style, c’est un truc en plus,
une sorte de cerise sur le gâteau – ce livre en plus il est bien
écrit et la Joconde elle est bien peinte)), la psychologie des
personnages (qui naturellement échappent à l’auteur
pour vivre leur vie sur le papier), et bien sûr l’inscription dans le
monde, l’époque, appelez ça comme
vous voulez ? Je grossis un peu, mais dans l’ensemble, la critique,
c’est souvent, trop souvent ça : une liste plus ou moins longue de
critères auxquels le livre est sommé de se conformer.
S’il est conforme, c’est bien. On peut tamponner : conforme. Le fait
est que le livre conforme
est doté d’une qualité indiscutable : il est vendable. Enfin, il
n’est pas très vendable non plus, c’est quand même un livre, on n’est
pas fou ; mais il est indiscutablement plus
vendable que le livre non conforme.
Outre
l’aspect strictement commercial de la chose (qui compte pas mal, quand
même), il y a d’autres explications à la
persistance de ces grilles de lecture dont je secoue en vain les
barreaux. D’abord la paresse. (J’ai dit pas dit la presse, hein ; la
pAresse.) Il est beaucoup plus facile de vérifier la
conformité d’un livre à des critères préexistants que d’aller
chercher si par hasard ce livre-là ne serait pas en train d’inventer ses
propres critères, pour lesquels le commentateur devrait
faire l’effort de trouver des mots de critique qui n’existent pas
encore. (Figurez-vous que certains commentateurs le font quand même
parfois, les fous.)
Et
puis l’école – comme explication à la persistance de ces grilles de
lecture. C’est forcément la faute à l’école. L’école nous
a montré ce que c’est qu’un bon livre, elle nous en a présenté une
liste – pas très longue, d’ailleurs ; c’étaient souvent les mêmes qui
revenaient. Et comme on travaillait bien à l’école,
on s’en souvient. La psychologie des personnages, l’inscription dans
l’époque, la composition, tout ça, c’est des trucs qu’on a appris à
l’école, avec les profs de français.
Mais
le prof de français, il vous dit attention. Il y a un temps pour
l’école, et un temps pour après. A l’école, on est là pour
apprendre, pour être formé. Ça ne veut pas dire qu’il ne faudra pas,
quand vous en serez sortis, remettre en question tout ce que vous y
avez appris. Les livres qu’on vous a fait lire, bien sûr
qu’on les a choisis parce qu’ils étaient plutôt bien, mais aussi
parce qu’ils étaient bien pour faire un cours dessus. Quand on vous
faisait lire Flaubert souvent c’était le bide alors on vous
faisait lire Zola (mais maintenant, réessayez donc plutôt Flaubert).
Et non, la Peste, c’est pas vraiment un des grands livres du XXe siècle – mais pédagogiquement parlant, il y avait de
quoi faire. Enfin bref, l’école, si on y va, c’est pour en sortir.
Pensez à changer les mines de vos critériums. (Quand je vois qu’il y a
encore des gens, et même des écrivains, qui
parlent des « auteurs du Nouveau Roman », ânonnant leurs souvenirs
de lycée comme si ça avait encore vraiment un sens, comme s’il y avait
vraiment quelque chose en commun, profondément,
entre les auteurs qu’on a étiquetés comme ça, au-delà de l’époque,
de l’éditeur et, tiens, d’un renouvellement des formes – des critères,
donc – renouvellement singulier pour chacun, et plus ou
moins abouti aussi sans doute.) Voilà, je vous laisse : c’est la
récré – la récréation, profitez-en.
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