dimanche 17 février 2013

des traces de l’école dans la représentation de la littérature


A propos de la représentation de la littérature, donc (puisqu’au au fond c’est le premier sujet de ce blog). Vite fait mais quand même. Crise pour la contemporaine. Pas crise de la littérature contemporaine, hein ; crise de sa représentation. Comment en serait-il autrement, quand les critiques laudatives d’un roman (parce qu’un livre, quand c’est de la littérature, c’est un roman) limitent ses critères à la composition (le plan, quoi), l’écriture (en plus, ce livre, il est bien écrit ! (oui, l’écriture, ou le style, c’est un truc en plus, une sorte de cerise sur le gâteau – ce livre en plus il est bien écrit et la Joconde elle est bien peinte)), la psychologie des personnages (qui naturellement échappent à l’auteur pour vivre leur vie sur le papier), et bien sûr l’inscription dans le monde, l’époque, appelez ça comme vous voulez ? Je grossis un peu, mais dans l’ensemble, la critique, c’est souvent, trop souvent ça : une liste plus ou moins longue de critères auxquels le livre est sommé de se conformer. S’il est conforme, c’est bien. On peut tamponner : conforme. Le fait est que le livre conforme est doté d’une qualité indiscutable : il est vendable. Enfin, il n’est pas très vendable non plus, c’est quand même un livre, on n’est pas fou ; mais il est indiscutablement plus vendable que le livre non conforme.
Outre l’aspect strictement commercial de la chose (qui compte pas mal, quand même), il y a d’autres explications à la persistance de ces grilles de lecture dont je secoue en vain les barreaux. D’abord la paresse. (J’ai dit pas dit la presse, hein ; la pAresse.) Il est beaucoup plus facile de vérifier la conformité d’un livre à des critères préexistants que d’aller chercher si par hasard ce livre-là ne serait pas en train d’inventer ses propres critères, pour lesquels le commentateur devrait faire l’effort de trouver des mots de critique qui n’existent pas encore. (Figurez-vous que certains commentateurs le font quand même parfois, les fous.)
Et puis l’école – comme explication à la persistance de ces grilles de lecture. C’est forcément la faute à l’école. L’école nous a montré ce que c’est qu’un bon livre, elle nous en a présenté une liste – pas très longue, d’ailleurs ; c’étaient souvent les mêmes qui revenaient. Et comme on travaillait bien à l’école, on s’en souvient. La psychologie des personnages, l’inscription dans l’époque, la composition, tout ça, c’est des trucs qu’on a appris à l’école, avec les profs de français.
Mais le prof de français, il vous dit attention. Il y a un temps pour l’école, et un temps pour après. A l’école, on est là pour apprendre, pour être formé. Ça ne veut pas dire qu’il ne faudra pas, quand vous en serez sortis, remettre en question tout ce que vous y avez appris. Les livres qu’on vous a fait lire, bien sûr qu’on les a choisis parce qu’ils étaient plutôt bien, mais aussi parce qu’ils étaient bien pour faire un cours dessus. Quand on vous faisait lire Flaubert souvent c’était le bide alors on vous faisait lire Zola (mais maintenant, réessayez donc plutôt Flaubert). Et non, la Peste, c’est pas vraiment un des grands livres du XXe siècle – mais pédagogiquement parlant, il y avait de quoi faire. Enfin bref, l’école, si on y va, c’est pour en sortir. Pensez à changer les mines de vos critériums. (Quand je vois qu’il y a encore des gens, et même des écrivains, qui parlent des « auteurs du Nouveau Roman », ânonnant leurs souvenirs de lycée comme si ça avait encore vraiment un sens, comme s’il y avait vraiment quelque chose en commun, profondément, entre les auteurs qu’on a étiquetés comme ça, au-delà de l’époque, de l’éditeur et, tiens, d’un renouvellement des formes – des critères, donc – renouvellement singulier pour chacun, et plus ou moins abouti aussi sans doute.) Voilà, je vous laisse : c’est la récré – la récréation, profitez-en.
 

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