C’est Isabelle Rüf à présent,
dans le quotidien suisse le Temps, qui vient confirmer mes ambitions
d’écrivain le mieux lu de France, lisez plutôt (lisez « précepteur »,
aussi ; une coquille s’est glissée dans le titre). Ça me rappelle des
souvenirs, car elle est l’un des rares chroniqueurs littéraires à suivre mon
travail depuis mes débuts, à l’époque ou Rien s’appelait encore Une
affaire de regard. Par association d’idées, ça m’a rappelé que Pas Liev
avait eu autrefois quelque chose comme l’ébauche d’une existence, longtemps
avant que je me lance vraiment dans son écriture.
J’ai tenu, bien avant l’existence
de ces Hublots, un vieux carnet, tombé en désuétude à cause de la concurrence
du blog. C’est dommage : ce n’était pas la même chose. J’ai cherché
dedans, j’étais à peu près sûr d’y retrouver l’ébauche de ce proto-pas-Liev,
mais je n’aurais jamais imaginé qu’il me faille remonter jusqu’au
« Vendredi 12
janvier 1996
Pourquoi ne pas écrire une pièce
de théâtre autour d’un personnage qui se croirait engagé comme précepteur dans
une famille riche, mais que l’absence de l’enfant ou des enfants obligerait à
assumer la fonction en principe temporaire de sous-intendant. Il pourrait y
avoir, comme personnages, les parents, un fils presque adulte et apparemment
amical, une fille qui lui ferait des avances qu’il repousserait ou feindrait de
ne pas comprendre par crainte – elle pourrait d’ailleurs être fiancée à un
propriétaire du coin passionné pour la chasse –, un intendant, son chef, qui
réclamerait le titre de gestionnaire, une servante en bas de l’échelle qu’il
séduirait, d’autres domestiques, des invités à une partie de campagne… »
Voilà. Tout y est ; sauf
l’essentiel, bien sûr. Et quelques variantes aussi. Et c’était un projet de
théâtre. Ecrivain de l’intérieur (et aussi comédien amateur, à l’époque), il
est probable que la forme théâtrale m’intéressait parce qu’elle permet naturellement
de rendre opaques les personnages ; je pense à Pinter, par exemple. Dans
le roman c’est moins courant. Maintenant que j’y pense, je me rappelle avoir
aussi pensé à Handke, celui du Gardien de but au moment du penalty ou de
la Femme gauchère, au moment où je me suis vraiment lancé dans ce qui
allait devenir Pas Liev. Tiens, d’ailleurs il faudra que je vous montre
aussi ce qui allait devenir Pas Liev mais qui n’est pas Pas Liev ;
c’est intéressant aussi, enfin, je trouve.
Non là, ce qui me frappe, c’est
cette date : 12 janvier 1996, en bas de la page de droite du vieux petit
carnet vert à petits carreaux. Surtout que sur la page de gauche, à la date du
dimanche 17 septembre 1995, à peine quelques mois plus tôt, j’ai écrit
ceci :
« Notes pour un projet de
roman qui pourrait s’intituler Hors, au sens de l’expulsion, la
naissance, l’exposition au monde, vs la recherche de l’intériorité, de l’auto-confort,
enfin la pénétration sexuelle par l’acceptation de l’existence du reste, la fin
du solipsisme. Thèmes épisodes : errance nocturne un 1er
janvier dans un lieu non identifié, visite d’un personnage féminin A, rêve
sexuel ensuite… »
Ceux qui l’ont lu auront reconnu
le début de Rien (qu’une affaire de regard) – mon premier roman, quoi.
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