« Ça ne me plaît pas du tout
de ne pas être un vrai tout », se plaisait à dire M. dès qu’il vécut ses
premières années scolaires, en collectivité, à tous les gamins qui lui
ressemblaient (c’est-à-dire tous).
La seule chose qui l’amusait, en
dehors d’être triste, c’était de faire le clown et d’inventer des grimaces
jusque-là inconnues de tous.
Ce qu’il ne faut pas dire, c’est
qu’il naquit en pleine régression à cause de la seconde qui lui a été retirée dès
son premier souffle. Et même un peu avant. Car les parois de l’utérus de sa mère
n’étaient pas en pierre, elles n’étaient pas même en eau.
Le ventre de la mère est
exactement comme le cerveau, il n’est pas un vrai tout, il n’est pas
parfaitement rond et surtout, il est poreux, spongieux : il respire un peu
du dehors.
A l’école, M. ne travaillait pas
bien, juché qu’il était dans ses pensées, toujours en retard d’un temps sur le
monde.
Mathieu Brosseau, Data Transport, éditions de l’Ogre, 2015, p. 30
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