« À un euro, les livres ne se vendront pas plus – ce n’est pas le prix du livre qui est en jeu –, et, à ce tarif-là, le
risque est que l’auteur lui-même n’y perçoive que le rabaissement de son travail », répond notamment Karine Tuil à Gaspard Koenig (vous pouvez aussi lire celle de Claro, tiens), Koenig qui visiblement digère mal les faibles ventes de son dernier livre et
en veut aux libraires
qui se permettent de (mal,
forcément) conseiller le public alors que franchement on n’a pas
besoin d’eux (c’est vrai quoi on a Amazon), et voue carrément la loi
Lang aux gémonies. J’avoue que je suis peu tenté d’aller
vérifier l’injustice qui est faite à ce garçon pourtant publié par
un éditeur qui a les moyens, de ceux qui envoient leurs livres en
grosses piles chez les libraires sans leur demander leur avis.
En revanche, ce que j’ai déjà vérifié, c’est le propos de Karine
Tuil : vous pouvez faire tout un grand rayon de livres à l’état neuf à
un euro, parmi lesquels de très bons, parmi lesquels
d’auteurs connus, voire de très bons d’auteurs connus, ça existe ;
eh bien il n’y a personne pour se précipiter sur l’aubaine, que j’avais
évoquée dans un précédent billet,
tiens c’était il y a juste un an, et dont vous ne me ferez pas dire le
nom. Assurément,
non, la cause principale de la mévente du livre n’est pas dans son
prix, priez pour le pauvre Gaspard. (A ce titre je m’étonne qu’un jeune
homme aux idées libérales et marchandes, il a le droit,
hein, soit naïf au point d’attribuer la difficulté de vendre à la
seule impossibilité de baisser le prix. Quand j’ai voulu me débarrasser
d’une voiture d’occasion mais en bon état et que j’ai eu
la mauvaise idée de la proposer en dessous de son prix parce que
j’étais pressé, personne n’en voulait. Du coup j’ai augmenté le prix et
elle est partie tout de suite ; il ne faut pas
dévaluer ce qu’on veut vendre, c’est du commerce élémentaire.) Le
cas Koenig (joliment cacophonique) est tout de même intéressant, au-delà
de son mépris pour les libraires qui osent donner des
conseils de lecture. On peut donc ne pas vendre du tout sans écrire
de la littérature expérimentale et être publié par un éditeur fauché.
C’est instructif. Moi qui avais l’intention de proposer
sous pseudo un porno-chic d’espionnage exotique aux éditions
Grasset, je vais attendre un peu. Plus sérieusement, pour qu’un livre se
vende, il lui faut de la visibilité ; ce n’est pas non
plus le « marché » qui va tout décider. L’éditeur d’abord, le
libraire ensuite (l’ordre est chronologique, hein) doivent être
prescripteurs (sans parler de la presse parce qu’il est
tard et j’ai encore des copies à corriger). Et pour cela il faut
d’abord qu’ils méritent la confiance des lecteurs. C’est-à-dire,
concernant les éditeurs, en tenant une ligne lisible et cohérente
(en d’autres termes en ne publiant pas sous la même couverture
absolument tout et n’importe quoi sans tenir compte de la qualité
littéraire, ce qui dessert certainement les meilleurs auteurs
Grasset par exemple), et pour les libraires, en s’engageant pour
défendre en priorité les livres auxquels ils croient auprès des lecteurs
auxquels ils croient – car on a encore le droit de croire
au lecteur.
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