mercredi 22 janvier 2014

Mon jeune grand-père (23)

Le 16 mars 19167 - Mes chers parents.
J’ai reçu ces 4 derniers jours un peu plus de courrier, c’étaient les cartes de papa des 27 et 28 - 1er - 2 - 3 mars et la lettre de maman du 4. J’étais bien ennuyé de savoir que vous ne receviez rien de moi, mais en ce moment tout marche si mal. Et encore il ne faut pas que je me plaigne, je suis parmi les privilégiés. Je vous en avais en effet bien écrit le 3 févr, c’est cette carte qui est perdue. Elle ne contenait heureusement rien d’important. Aucune carte ne contient plus quoi que soit d’important. Il n’y a pas de nouvelles. Les nouvelles disent qu’il n’y a pas de nouvelles. Envoyez-moi une chemise car j’en ai une bonne à mettre à la réforme. N’oubliez pas de me mettre de temps en temps des lacets, car on les vend ici un prix exhorbitant. Les colis postes arrivés portaient les n°s 13-14-15-16-17-19 et 21 et un colis de pain du 10 févr. Le temps est beau aujourd’hui, le soleil luit, et ça dégèle. Aussi le parc est-il un vaste marécage, on ne peut guère y aller que le matin, car à cette heure-là le sol n’est pas encore dégelé, car il gèle encore assez fort la nuit. Je ne reçois toujours pas de nouvelles de l’oncle M (j’hésite entre M et D) et de ma tante Marie (et là encore une fois j’hésite entre Marie et Maria), leurs dernières cartes étaient respectivement du 21 nov. et 12 déc. Je ne suis pas le seul dans ce cas-là du reste. Le Kerbschnitt marche toujours, mais je suis forcé d’aller doucement car ma commande n’arrive pas. Merci à Wabaud, D et moi lui envoyons aussi nos amitiés (je choisis « nos » mais le mot est illisible). Je ne sais pas qui est Wabaud, dont je recopie le nom peut-être de travers. Apparemment cela semble indiquer que Daussy et Edmond se connaissaient avant leur captivité.
« Captivité », le mot me vient tout naturellement. Je me rends compte que je l’ai entendu bien souvent, depuis longtemps. A propos de mon grand-père. « Pendant sa captivité. »
Bien sûr me jeune grand-père ne va pas à la ligne, pas la place. C’est juste moi, pour indiquer mes pauses. J’ai tapé «  Wabaud » sur Google ; ça ne donne rien. Alors j’ai essayé « Walrand ». Tout compte fait ce doit être « Walrand ». Je reprends donc. Merci à Walrand, D et moi lui envoyons aussi nos amitiés. Il me fait l’effet d’un rude veinard_ Je ne connaîtrai sans doute jamais la nature de la veine de Walrand, qui lui vaut peut-être ce point curieusement étiré en tiret, pas plus que je ne saurai qui il était, mais je suis content pour lui.  Je vous quitte mes chers parents en vous embrassant bien fort tous les deux ainsi que Geneviève et Louis, Madeleine et Jean et toute la famille. (Il serait peut-être temps de m’envoyer pour l’été un pyjama (illisible) avec pantalon ou un complet en toile en tout cas qq chose de pratique et ne pouvant être porté hors du camp. Votre fils qui vs aime de tt son cœur. Edmond Et tout est si petit, si serré que la place a manqué pour fermer la parenthèse.

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