samedi 22 mars 2025

Souvenirs de mon père, 32 (réfugiés, fin)

Il y avait parmi les habitants une jeune handicapée, au très joli visage. Elle s’appelait Marie. C’était une jeune fille très intelligente. Tu as eu de longues conversations avec elle. A votre retour à Paris tu as continué à correspondre avec elle un moment et puis peu à peu votre correspondance s’est espacée.

Quand, bien des années plus tard – en 1952 –, tu es revenu à Orthez avec notre mère, vous avez été accueillis dans toutes ces familles que tu avais connues, comme si tu les avais quittées la veille. Tu as revu presque tout le monde ; sauf Marie, malheureusement, qui était absente. On se disputait presque pour vous inviter. C’était douze ans après. Vous y êtes encore retournés plus tard, avec les quatre enfants, en 61 ; vous avez revu encore du monde, mais beaucoup avaient disparu, les liens s’étaient estompés.

Un beau jour, il a fallu que vous quittiez Orthez. Vous aviez le statut de réfugiés, le gouvernement de Pétain a décidé que c’était fini, que vous deviez regagner vos logements. On vous a obligés à rentrer, par vos propres moyens. Vous êtes allés jusqu’à Bordeaux, chez votre cousin André de Mortain, chez qui Tonton Léon s’était déjà réfugié un certain temps avec sa femme Nelly.

Il y a eu jusqu’à une trentaine de personnes réfugiées dans cet appartement qui, certes, était très grand. Tonton Léon et Nelly étaient déjà repartis quand vous êtes arrivés. Chez André de Mortain, vous avez rencontré des cousins à eux, les Roard. Vous vous êtes embarqués avec eux dans des wagons à bestiaux pour rejoindre Paris. Tu as bavardé tout le long du voyage avec leur fille Paulette, assis à la porte du wagon, les jambes dans le vide.


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