A Orthez, comme tu étais né à Paris, les filles subjuguées t’appelaient « le Parisien ». Tu avais beaucoup de succès, même – et surtout – auprès de filles nettement plus âgées. Toi-même, tu paraissais plus vieux que ton âge. Une fois, l’une d’elle t’a fait visiter son jardin. Elle avait dix-huit ans. Elle a cueilli un œillet, elle l’a embrassé et elle te l’a tendu en te disant : « C’est dommage qu’il y ait cette différence d’âge. » Tu as gardé l’œillet. Elle s’appelait Aline Fourcade.
Tu n’as aucunement profité de tes succès. Tu étais d’une naïveté et d’une gaucherie incroyable. Il faut dire que tu n’avais pas l’habitude des filles.
Ta vie à Orthez était à l’opposé de ce que tu avais vécu avant : c’était le Paradis.
Au centre d’accueil, tu te montrais très actif et prêt à prendre des initiatives. On t’y confiait de plus en plus de responsabilités. Le patron des Nouvelles Galeries, qui possédait une propriété en Zone Libre et souhaitait s’y retirer, a fini par demander à ce que tu deviennes le responsable du centre à sa place. C’est ainsi qu’à quinze ans et demi (tu en paraissais bien dix-huit), c’est toi qui accueillais les réfugiés, qui les comptabilisais, qui les répartissais dans les dortoirs, les plaçais au réfectoire et indiquais aux cuisines le nombre de repas à préparer. Un jour où il manquait un plat (ce qui représentait plusieurs parts), tu es allé à vélo jusqu’à la cuisine (qui se trouvait assez loin), et tu as rapporté le plat – des tranches de veau dans de la sauce – jusqu’au centre, en pédalant sans les mains.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire