Bon, j'ai lu Dans le
jardin d'un hôtel. C'est le roman de Gabriel Josipovici qui
vient juste de paraître chez Quidam, dans la traduction de Vanessa
Guignery. Oui, Quidam c'est mon éditeur. Et Gabriel Josipovici l'un
des auteurs phares de son catalogue, auquel figurent déjà Moo Pak, Tout passe, Goldberg : Variations, Infini– l'histoire d'un moment. Oui, je les ai tous lus. Oui :
je les ai tous aimés. Un peu plus que ça, même. J'ai même lu
Contre-jour. Triptyque d'après Pierre Bonnard, paru chez
Gallimard en 1988. Non, ils n'ont pas été fichus de le garder, chez
Gallimard ; on se demande ce qu'ils fichent, d'ailleurs. Et j'en
ai même lu un autre encore dont je tais le nom parce qu'il n'est pas
disponible en français. Donc oui : mon intérêt pour le
travail de Gabriel Josipovici dépasse ma naturelle solidarité avec
mon éditeur.
En parler, maintenant. A
chaque fois avec lui les mots me manquent. Il y a chez Josipovici une
limpidité qui n'est pas qu'apparente, une sorte de limpidité
proprement extraordinaire : on voit des choses qui sont si
fines, si ténues qu'on est en droit de douter de leur propre
existence. Et pourtant, on les voit. C'est qu'il y a là
véritablement quelque chose. Alors bien sûr je pourrais juste
gloser le récit : dire comment Ben raconte à Rick et Francesca
comment, en vacances avec Sandra dans un hôtel qui n'est pas celui
du titre, il a fait la rencontre de Lily, laquelle lui a racontée
comment, autrefois, sa grand-mère est tombée amoureuse d'un jeune
homme déjà fiancé, retrouvé, après une première rencontre, dans
le jardin d'un hôtel, celui du titre cette fois, celui que Lily est
venue retrouver cet été, à Sienne, juste avant de finir les
vacances dans les Dolomites, où elle rencontre Ben. Mince, j'ai tout
raconté. Horreur. Attends, je me relis. Non, ça va, je n'ai rien
raconté du tout, en fait.
Car il s'est passé
quelque chose là, dans cet hôtel, ou plus tard dans cet autre hôtel
– ou non : il ne s'est rien passé. Non qu'on doute de la
réalité objective des événements racontés comme dans certains
romans contemporains qui par ailleurs me sont chers. Non.
Simplement : savoir si ce qui s'est passé est quelque chose, ou
pas. Car ce qu'on lit, ce n'est jamais que plusieurs conversations
(il y aurait tout un travail à faire sur la conversation chez
Josipovici, je la vois comme sa partition, la conversation, avec des
interprètes multiples, des parties multiples ; si j'étais un
peu musicien je vous expliquerais probablement ça beaucoup mieux),
plusieurs conversations donc qui en retracent d'autres, d'autres
conversations plus anciennes, le tout devenant une vaste conversation
intégrant finalement celle entre Rick et Francesca, qui discutent
entre eux de ce qu'ils ont entendu de la bouche de Ben, ne sont pas
forcément d'accord, comme nous ne le serons pas, nous non plus, le
jour où vous aurez lu Dans le jardin d'un hôtel et que nous
en parlerons ensemble.
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