Je viens d'apprendre la
disparition de Michel Arrivé. C'est bien trop tôt mais il paraît
que c'est comme ça. C'est comme ça mais pour moi ça passera
toujours mieux avec des mots, alors des mots en voici.
« Le mot, c'est la
mort sans en avoir l'r. », non ça n'est pas de moi – et je
le regrette. Car bien au-delà du très joli jeu de lettres cela dit
bien tout ce qui à mes yeux est en jeu dans le langage. Ces mots
sont de la main d'Adolphe Ripotois, l'écrivain méconnu dont Alfred
Hellequin écrit la biographie dans les Remembrances du vieillard
idiot, non le poème de Rimbaud mais le premier roman de Michel
Arrivé, paru en 1977.
Michel Arrivé a donc
écrit des romans ? Je n'en savais rien moi-même lorsque je
l'ai rencontré à la Fête de l'Humanité, il y a une dizaine
d'années. Pour moi, outre le Bescherelle dont il assurait la
publication, Michel Arrivé était surtout le spécialiste de Jarry
dont il a assuré l'édition dans la Pléiade (je me rappelle son œil
surpris quand je lui ai mentionné son article « Structuration
et destruction du signe dans quelques textes de Jarry » paru
chez Larousse en 1972) et bien sûr le professeur de linguistique,
auteur notamment de la Grammaire d'aujourd'hui qui a fait les
beaux jours de l'étudiant en lettres que je fus et de pas mal
d'autres.
C'était Une très
vieille petite fille qui l'amenait au Village du Livre de la Fête
de l'Huma, un roman où la mort et le mot encore étaient en jeu,
puisque la narratrice n'aboutissait au livre qui nous était donné à
lire que par la « désécriture » des registres qu'elle
avait tenus durant sa vie entière, et ce dans l'espoir de prolonger
sa longévité jusqu'à, pourquoi pas, l'immortalité.
Puis nous avons pris
l'habitude de nous lire et Michel Arrivé m'avait fait l'honneur d'un
très bel article sur Liquide dans lequel il était le
premier, je ne m'en suis pas étonné, à noter l'effacement aussi
discret que possible de la personne grammaticale du récit que je
tentais d'y mettre en œuvre. Ecrire sur les livres de l'autre était
une manière plus sûre d'en parler – j'ai moi-même publié sur ce
blog quelques articles à propos notamment de ses romans suivants,
également parus aux excellentes éditions Champ vallon : La Walkyrie et le professeur, Un bel immeuble, L'Homme qui achetait les rêves, vous pouvez cliquer –, une manière plus
sûre pour nous d'en parler, disais-je, que d'attendre notre
prochaine rencontre car il faut bien confesser que lors de celles-ci
nous parlions assez peu de littérature, ni même de linguistique (et
pourtant vous savez, ou au moins vous devinez combien la linguistique
a pu me passionner et me passionne encore) car un autre sujet que
nous avions en commun l'emportait toujours : la mycologie. A
chaque fois que nous nous sommes rencontrés, nous avons toujours
fini par parler de champignons. C'était un autre point commun, fort,
qui nous rassemblait ; nous nous étions d'ailleurs fait la
remarque que lui comme moi, nous avions goûté à peu près autant
d'espèces différentes que notre vie comptait d'années. Comme il en
avait une petite trentaine de plus que moi, il conservait largement
l'avantage. Les champignons jouent d'ailleurs un rôle non
négligeable dans certains de ses romans, aux côtés des rêves, au
côté des mots – de la conscience des mots.
Mes pensées accompagnent
sa famille, mes vœux accompagnent ses romans.
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