Il n’y a pas que le sujet
écrivais-je la dernière fois mais tout de même : est-ce à dire que tous
les sujets seraient bons ? - puisqu’on dit souvent qu’il n’y en a pas de
mauvais, depuis que le roi est mort. Mais voici justement que le roi – pardon,
le président – et une tique me soufflent une réponse.
La tique, d’abord. J’étais
tranquillement en train d’écrire (ne croyez pas l’adverbe en -ment : il
ment) lorsque je remarque une toute petite bête qui se promène sur mon cahier.
(Oui, en ce moment, j’écris dans un cahier. Pour voir. C’est un projet qui
s’écrit à la main et dans un cahier. Mais fermons cette parenthèse hors sujet.)
Sur mon cahier, au-dessus duquel je songeais à mon sujet, lorsque cet autre a
fait mine de s’imposer. Un tout petit sujet qui se promenait sur ma page
blanche. Malgré ses huit pattes attestant sans coup férir de son appartenance à
la classe des arachnides, la relative lenteur de mon sujet me fit tout de suite
douter qu’il ressortît à l’ordre des aranéides : il s’agissait bien plus
probablement d’un acarien, et après un examen plus approfondi, très
probablement d’une tique qui avait dû s’accrocher à mes vêtements lors d’une de
mes récentes sorties. Ce sujet n’ayant pas l’heur de me plaire, je l’écrasai
non sans quelque peine (la bestiole est vaguement élastique).
Et pourtant, me disais-je,
était-ce un si mauvais sujet ? Car ce sujet-là, par son intrusion subite
sur ma page blanche, s’imposait – or quelle valeur peut-on trouver à un sujet
autre que le fait que, à un moment ou à un autre, il s’impose à son auteur au
point que celui-ci ne peut faire autrement que de le traiter ? C’est là le
sujet vrai, c’est là que le sujet est juste. Ce n’est pas l’un de ces sujets
plus ou moins artificiels que je pointais d’un doigt critique lors de ma
dernière visite. Voilà : un bon sujet, c’est un sujet qu’on ne pas faire
autrement que de traiter.
Le président, maintenant. C’est
intéressant la politique : ça permet de mieux comprendre la littérature.
Le président aime ses sujets, d’où mon lapsus de tout à l’heure. Mais les
sujets du président ne sont pas nécessairement ceux que la vie politique
impose, c’est plutôt lui qui les impose à la vie politique (rendons-lui cette
justice : il n’est pas l’inventeur de cette pratique, qu’il maîtrise
toutefois parfaitement). En faire une liste serait fastidieux, la démonstration
est faite : ce sont de mauvais sujets. Ouste, Roms et consorts, du
balai ! Ce sont de mauvais sujets parce qu’ils ne se sont pas imposés d’eux-mêmes :
ils ont été choisis. Ils étaient plus séduisants que les vrais. Surtout :
ils étaient plus faciles. Mais on ne doit pas choisir ses sujets. Tout de
suite, pour le lecteur attentif, ça sonne faux, c’est artificiel. Cela dit,
parfois, on s’y laisse prendre.
De ce côté-ci de la page, je
laisse venir le sujet. J’ai cru écraser la tique, voyez le résultat : elle
s’est étalée sur la surface d’un paragraphe. Dès que j’aurai un peu plus de
temps, je retourne à la lecture. Quoi lire, aussi, reste la question. Ne pas lire
n’importe quoi n’importe quand. Laissons la bonne lecture s’imposer.
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