Certains ont des rapports
sexuels, d’autres font l’amour. Certains écrivent des rapports circonstanciés,
d’autres écrivent de la littérature. Et même quand elle ne se prend pas au
sérieux – salutaire prise de distance au moins de temps en temps –, elle peut
rester de la littérature, pourvu qu’elle soit écrite avec la langue. Claro a
fait son choix. Pomponnette Iconodoule aussi. Pomponnette Iconodoule, c’est
l’héroïne de Dans la queue le venin, qui vient de paraître aux éditions
de l’Arbre vengeur ; mais nul doute que l’auteur de Madman Bovary
pourrait vous déclarer « Pomponnette Iconodoule, c’est moi ». Qui
embarque pour Istamboul à la recherche de son amant égaré plutôt que perdu
(mais quel amant !) parce que, nous dit le titre de la première partie,
« All you need : Istamboul » Le ton est donné. Moi aussi, I like
tam boul sometimes, mais il vaut quand même mieux que je vous donne un
échantillon aéroportuaire pour que vous vous rendiez mieux compte de l’importance
des préliminaires (qu’on a tout à gagner à étirer aux dimensions d’un livre
entier pourvu qu’il ne soit pas trop long quand même : une petite
centaines de pages aérées) :
Pomponnette aime les longues
queues ombilicales qui mènent aux guichets des douanes. Elle apprécie leur
progression coordonnée, ou plutôt : accordéonnée, pense-t-elle, ces
glissements annelés et apathiques qui laissent se propager les ondes de
l’attente en petits pas prudents – on avance comme si on muait sur place, mais
dans l’espace, quand même, en se dépouillant de sa peau et de ses tares
parisiennes, les pieds semblent chercher à tâtons d’imaginaires babouches, la
valise teste ses roulettes sur un tapis que taquine l’idée d’envol.
Bien sûr, la lombricité un
tantinet lascive de la progression est cause parfois de frictions, il est
important de ne pas se laisser distraire par le spectacle d’un polymorpion
hurleur ou d’une pétasse dolchégabanée qui double impunément son monde. En
revanche, immense est le plaisir de voir l’ancien et le nouveau s’alterner, les
foulards lever les voiles, les samsonits copuler avec les gros sacs bouffis à
motifs écossais, d’entendre les cédilles copuler avec les palatales.
Claro, Dans la queue
le venin, L’Arbre vengeur 2015, p. 35-36.
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