Le 18 octobre 1917. C’est bizarre, ces trois semaines sans
cartes. J’aurais encore mis du désordre ? Mes biens chers
parents. Là aussi, une insistance
inhabituelle, et la faute à « bien » est peut-être une conséquence de
cette insistance.
Je n’ai pas été favorisé par la
correspondance tous ces jours-ci. Je n’ai reçu que les deux cartes de maman des
24 et 25 et celle de papa du 26 et cela après être resté 6 jours sans rien du
tout – 6 jours qui n’expliquent pas
ce trou de deux semaines dans la correspondance ; je commençais
à m’ennuyer. Comme colis ça va mieux. J’ai reçu les n° 4-8-9-10-11. Les poires
commençaient à être assez abîmées, j’en ai pu cependant en retirer
quelques-unes (si je lis bien),
qui n’avaient presque rien, elles étaient très bonnes. Le reste qui commençait
à être blet, je l’ai fait cuire pour en perdre moins. Je vous remercie de
l’intention mais c’est un essai qu’il vaut mieux ne pas renouveler. Le reste
était en bon état. Mon ami me dit de demander de joindre quelques oignons au
colis de pommes de terre. Je ne
suis pas sûr que ce soit « ami » qu’il faille lire. D’ailleurs on
dirait qu’il y a un e à la fin, et je me demande s’il n’y a pas un o avant le
i. Il doit s’agir de Daussy. Je comprends que ma chère maman se soit
ennuyée toute seule, j’ai bien pensé à elle pendant ce temps. Je vous remercie
de me mettre de côté les articles sur mon oncle. Je regrette bien de ne pouvoir
les lire maintenant. Je ne sais pas
de quel oncle il s’agit. Edmond avait deux oncles, un de chaque côté. Son oncle
maternel était commandant, comme son père, mais il était beaucoup plus jeune.
Il est mort le 21 septembre 1917. C’est peut-être de lui qu’il s’agit. Je ne
sais pas comment il est mort. Dans la carte du 23 avril 1917, Edmond évoque sa
maladie. Mais dans celle du 7 mai il allait mieux. Dans la récente carte du 17
septembre ce doit être lui de nouveau qui n’a « pas de chance ».
Hector Mangot. Mais je ne suis sûr de rien. Je suis content de
savoir que Papa a fait un bon voyage, mais il a dû être bien fatigué. Ce pauvre
M. Jouanne doit être en effet bien triste ; voir partir comme cela tous
les siens, c’est dur. Ce nom aussi
m’est inconnu. L’écriture est assez lisible mais je ne crois qu’il figure
ailleurs dans ces cartes. Surtout il n’a pas eu la consolation
d’être choyé par ses petits-enfants. Recopier
les cartes de son grand-père inconnu, est-ce une manière de le choyer ?
J’espère que l’indisposition de Tante Marie (je
n’arrive pas à lire) rien de grave + (Je tape un + parce que je vois un +. Il signale peut-être le
changement de sujet.) Quant à moi cela va tout doucement pour l’instant ;
j’ai vu le médecin ce matin pour mon estomac, il m’a mis au régime spécial pour
quelques jours et m’a donné du (je
lis « calonnet » ou « cabonnet ») à prendre. Le
régime spécial consiste en boudin et fruits cuits, mais comme j’ai reçu des
œufs ce matin ce sera bien meilleur. Décidément
il y a tout dans cette carte. Un grand-père qui ne sera pas choyé par ses
petits-enfants et un autre qui ne sera jamais grand-père ou du moins ne le
saura jamais, à cause d’un estomac qui s’est détraqué durant un séjour prolongé
à l’Offiziergefangenenlager Reisen in Posen et qui ne guérira pas. A
part cela rien de neuf, je travaille toujours un peu. Nous pouvons encore faire
de bonnes promenades car le temps est encore beau. Par moment nous avons un
vent terrible, cela n’a rien d’étonnant car nous sommes dans une immense plaine
et il n’y a rien pour l’arrêter. Je vous quitte mes chers parents en vous
embrassant bien fort tous les deux ainsi que Geneviève et Louis et tte la
famille. EA
Je te suggère une interprétation pour le médicament recommandé à Edmond : ce pourrait être du "calomel" (chlorure de mercure, autrefois utilisé comme diurétique)...
RépondreSupprimerAh oui, ça a l'air très vraisemblable en effet. Merci !
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