Aujourd’hui
comme c’est samedi j’étais au collège pour rembourser d’avance mon
lundi de Pentecôte, selon une obscure mesure
expiatoire dont je n’ai jamais bien saisi la signification. Arrivé
plus tôt que nécessaire, je jette un œil sur les magazines en salle des
profs, puisqu’il y a bien longtemps que je n’ai plus
vraiment besoin d’aller chez le coiffeur. Et je tombe sur un vieux
numéro de Lire, une revue dont j’avais à peu près oublié
l’existence. Ce numéro-là, apparemment, date de l’automne
dernier. Je vois que l’édito est de François Busnel, tiens, ce qui
me fait penser que je m’étais dit qu’il faudrait peut-être que je
regarde son émission un jour – j’ai un peu de mal avec la
télé, il y a plusieurs chaînes et des programmes différents chaque
jour, c’est difficile de s’y retrouver même si j’ai réussi à me rappeler
que la série Hubots ne s’intitule pas vraiment
Hubots ni même Hublots mais bien Real Humans et que c’est le jeudi soir sur Arte et ça ne parle pas de littérature. Et pendant que je divague ainsi François Busnel
rigole sur la page de l’édito de ce numéro de Lire, avec l’air d’en avoir trouvé une bien bonne.
L’objet
de toute cette réjouissance, c’est la rentrée littéraire 2012 : elle
est « d’une excellente facture ».
L’expression est bien un peu surprenante, mais c’est vrai que moi
aussi j’ai lu pas mal de bons livres qui, qu’on leur ait demandé leur
avis ou non, sont parus à cette période-là, selon une
coutume dont je n’ai pas davantage saisi l’intérêt. En même temps,
sur les je ne sais de combien de centaines de livres qui paraissent à
chaque rentrée littéraire, ce serait quand même malheureux
qu’il n’y en ait pas de bons. Et même, pour peu qu’on ait des goûts
un peu éclectiques, c’est plutôt une source de frustration : on sait
bien que beaucoup risquent de nous échapper. C’est
sûrement la raison pour laquelle Busnel nous rappelle « les
fulgurants éclats » d’Angot, Adam et quelques autres. Ah bon. Oui, mais
manifestement, ce ne sont pas ceux-là non plus qui
ont vraiment sa préférence, ceux qui font la cerise sur la facture.
Ouf. Non, en réalité, il y a des éclats encore plus fulgurants, surtout
deux : Quel trésor ! de
Gaspard-Marie Janvier (en voilà un qui m’a complètement échappé, mais que fait donc la presse ?), quant à l’autre (des « deux meilleurs romans de la rentrée »),
c’est La Vérité de l’affaire Harry Quebert de Joël Dicker,
que j’ai feuilleté et qui est peut-être bien un bon roman de plage après
tout, c’est vrai que je n’ai pas grande expérience en
cette matière que je ne fais guère que traverser vite fait pour
aller nager.
Voilà donc la facture, la bonne, de cette rentrée littéraire. Avec une bonne blague, donc, quand même, dont Busnel rigole
d’avance et que je garde pour la fin : « J’ajouterai volontiers à cette liste Le Maréchal absolu de Pierre Jourde » – avant de revenir illico à Janvier et Dicker. Sûr que
Pierre Jourde (dont je garde précieusement le Maréchal pour l’été sinon pour la plage) a dû apprécier cette joyeuse compagnie.
J’ai
juste le temps de tourner encore une page avant d’aller expliquer aux
parents de CM2 à quoi ressemble l’enseignement du
français en 6e, alors je la tourne – et c’est là que je saisis le
concept : sur la même page, deux photos, deux auteurs, deux femmes
associées, labellisées « dames de cœur » pour
l’occasion : Toni Morrisson et J.K. Rowling. « Les beaux esprits
s’offusqueront peut-être d’un tel rapprochement. » Nous voici prévenus.
On sait ce qu’on risque à s’offusquer. Du
coup je ne vais pas m’offusquer, d’ailleurs je n’ai rien contre J.K.
Rowling qui a quand même fait lire pas mal de jeunes gens, lesquels
sont devenus adultes et même certains, j’en connais, bons
lecteurs – et très déçus par son dernier, précisément. Mais bref, ce
n’est pas tellement le propos. Qu’il y ait des romans pour tous les
lecteurs, ou plutôt pour toutes les lectures car chaque
lecteur en a plusieurs, on ne peut que s’en réjouir. Que cela
devienne le prétexte à mettre sur le même plan tout et n’importe quoi,
comme beaucoup de grands éditeurs le font déjà et sont
encouragés à le faire par ce genre de presse, ça ne fait rire que
Busnel. D’autant plus qu’il y a un sens à tout cela. Aux yeux d’un
magazine comme Lire, les auteurs se classent en effet
en deux catégories : les alibis littéraires et les arguments de vente – parce que la revue, il faut aussi la vendre.
(Comme Hublots c’est gratuit, ça ne coûtera rien à personne de jeter un œil à la « Pêche annuelle », en bas à
gauche ; il y a parmi d’autres quelques livres de cette rentrée oubliés par Lire.)
Commentaires
Pour une fois, et ce sera sans doute la seule fois, j'ai un peu
d'avance sur vous : je me suis précipitée sur le Maréchal Absolu....,
n'en perdant pas un mot. Un livre fascinant. Pour une fois
aussi, je n'ai pas lu le dernier livre de Toni Morrison. Pas encore.
Mais, le bon mot pour le bon mot est devenu terrifiant, vendeur sans
doute : "dames de coeur" me semble ne rien vouloir dire
du tout.
Commentaire n°1
posté par
Michèle
le 13/04/2013 à 18h51
C'est là où je voudrais bien disposer d'un peu plus de temps ; le
Maréchal absolu est très certainement un livre qui en mérite, c'est
pourquoi j'en délibérément retardé la lecture. Mais peu
importe, la littérature n'est pas une denrée périssable.
Réponse de
PhA
le 14/04/2013 à 21h19
Je me disais il n'y a pas longtemps que ce serait marrant un plateau chez Busnel avec :
Pascale Petit, Philippe Annocque, Claro et Jérôme Leroy
Un autre avec :
Cécile Portier, Francesco Pittau, Nathalie Quintane et Lise Beninca
Un autre
François Matton, Béatrice Rilos, Gwenaelle Stubbe et Anna de Sandre
Puis
Pierre Bergounioux, Gabriel Bergounioux, encore Pascale Petit et encore Philippe Annocque
puis .../...
On se fait des petits plaisirs comme ça :)
De la liste en bas à gauche, lus pas mal... :)
Pascale Petit, Philippe Annocque, Claro et Jérôme Leroy
Un autre avec :
Cécile Portier, Francesco Pittau, Nathalie Quintane et Lise Beninca
Un autre
François Matton, Béatrice Rilos, Gwenaelle Stubbe et Anna de Sandre
Puis
Pierre Bergounioux, Gabriel Bergounioux, encore Pascale Petit et encore Philippe Annocque
puis .../...
On se fait des petits plaisirs comme ça :)
De la liste en bas à gauche, lus pas mal... :)
Commentaire n°2
posté par
Michèle P
le 14/04/2013 à 15h13
Sûr que ça ferait exploser l'audimat !
Réponse de
PhA
le 14/04/2013 à 21h20
Je vous trouve dur avec ce magazine . Lire est un excellent
périodique qui balaie la littérature française er internationale. La
poésie , la BD et autres types de lecture. Si l'on peut faire un
reproche à François BUSNEL c'est de calquer le magazine sur son
emission TV ( La Grande Librairie ) . A moins que ce ne soit l'inverse.
Commentaire n°3
posté par
Thyone
le 14/04/2013 à 20h59
C'est possible : je ne l'ai pas parcouru en entier depuis une
douzaine d'années et là je n'ai eu le temps de lire que deux pages. Le
fait est qu'à la lecture de ces deux pages, j'ai eu
l'impression d'avoir affaire à des personnes probablement mal
informées sur la littérature contemporaine et surtout désireuses
d'associer les best-sellers potentiels à la littérature certifiée
littéraire, avec un résultat plutôt cocasse comme ce tandem
Dicker-Jourde où ce dernier doit qui plus est se contenter de la place
arrière. La chose cela dit s'explique très bien pour les raisons
économiques de mes dernières lignes et qui dépasse largement le cas
de Lire : la littérature n'intéressant pas grand-monde, on ne peut guère
justifier de gros tirages sans lui associer autre
chose, d'où cette politique de vessies et lanternes savamment
entrelacées pas seulement par la presse, mais aussi par les directeurs
des collections à vocation littéraire des grandes maisons, où
l'on vous vend sans vergogne sous la même jaquette le pire comme le
meilleur.
Réponse de
PhA
le 14/04/2013 à 21h51
ça ne fait rire que Busnel, oui
sauf que quand c'est toi qui raconte comme ça... moi je ris ... toute seule, avant d'aller expliquer aux parents de CM2 et aux enfants eux-mêmes que...
sauf que quand c'est toi qui raconte comme ça... moi je ris ... toute seule, avant d'aller expliquer aux parents de CM2 et aux enfants eux-mêmes que...
Commentaire n°4
posté par
marie cosnay
le 16/04/2013 à 13h00
... que lire, c'est moins simple qu'on ne le dit ?
Réponse de
PhA
le 16/04/2013 à 20h40
Heureux homme, ta calvitie te préserve de bien des étonnements (tu verrais les pages littéraires de Paris Match ! D'ailleurs, des coiffeurs qui ont Lire, il ne doit pas y en
avoir des masses...)
Soyons juste (et coquet) : c'est parce que je me fais tondre à
domicile que je ne fréquente plus les coiffeurs. (Alors comme ça il y a
des pages littéraires dans Paris Match ? Mais c'est une
bonne nouvelle !)
Réponse de
PhA
le 16/04/2013 à 2
Oui, j'étais toute fière d'avoir de l'avance sur vous en ce qui concerne Le Maréchal Absolu (ne prenant même pas en compte votre dur labeur quotidien). Car pour le reste, dernière au fond de la classe, je suis comme je peux....
RépondreSupprimerVous me faites penser que c'est l'occasion de mettre un lien vers ce roman formidable : http://hublots2.blogspot.fr/2013/08/absolument-marechal.html
Supprimer