Toujours
est-il que, à les entendre, un vieux, c’était d’abord un papi ou une
mamie. Son identité, qu’ils appelaient ça. Jusque
là tout va bien : des siècles et des siècles que ça contentait tout
le monde aux quatre coins de la planète. Mais soudainement ça a déplu à
nos sommités. Qui se sont mises à expliquer qu’un
papi ou une mamie, pour un gosse, ça avait tout d’une tragédie,
rapport que ça tourmentait les générations et qu’on ne devait pas
laisser un gamin faire gouzi-gouzi avec un ancêtre. Que c’était
de mauvaise influence et qu’on ne pouvait pas faire un grand d’un
petit s’il s’attachait à des vétérans tout ridés. Que le pays avait bien
à perdre à regarder le passé. En un mot comme en cent,
ce qui était beau était devant, pas derrière. A la fin de l’envoi,
en vérité, ce qu’ils disaient, c’est qu’un vieux c’est la mort, et que
la chose ne se montre point à un mioche. Qu’il vaut mieux
lui faire des menteries dès le début de la vie et jouer à
cache-cache avec ce qui nous attend tous, et eux avec.
Marc Villemain, Ils marchent le regard fier, éditions du Sonneur, 2013, p. 28-29.
J'avais lu le précédent, de Marc Villemain, "Et que morts s'ensuivent".
Il faut beaucoup, beaucoup de temps avant de pouvoir s'en relever pour continuer.
Au-dela du talent.