C’est
ici qu’apparaissent les cerviboucs. Et pas en Grèce ni en Saintonge, je
le sais pour en avoir levé deux dans toute ma
carrière. Ils sont rares et signe d’une chasse faramineuse où le
temps d’un passage long comme un transsibérien, les étangs résonnent et
montent contre la voûte comme le son concentrique d’une
cymbale unique frappée par le maillet d’un dieu. Sa larve s’enfouit
soixante-six ans dans les vases profondes des tourbières archéologiques,
dévorant la vie sous toutes les formes disponibles en
ces lieux, puis elle sort de terre et monte dans les eaux troubles, à
l’envers, crochets et mandibules pointés vers le fond, aspirant au fur
et à mesure de son ascension le corps de ses proies
liquéfiées par sa piqûre. Au terme de la traversée, elle se plante
comme un pieu à la surface des eaux, gonflée des esprits animaux qu elle
a gobés en montant et commence alors à sécréter une
substance translucide qu’un œil non averti ne saurait apercevoir et
qui flotte comme un crachat tombé au; gré du vent, et s’enroule sur
lui-même, et sèche, racornit, pétrifie, et de mou devient
dur, d’habitacle devient coquille, de coquille, diamant et du
diamant qui se fend surgit le cervibouc tel un génie trop longtemps
compressé dans une cartouche de propane. Il est dense, il est
volatile. Il est lourd, il est lent. Il est effilé comme un roseau,
coupant, lourd, habile comme un éléphant. Il est souple, résistant,
aguerri, inconscient. Il peut remonter le courant d’une
tempête d’un seul coup de talon comme un homme-grenouille au fond
d’une piscine déserte. Il couche un champ de blé en le caressant de
l’index. Il ne faut pas qu’il souffle. Quand il se lève, mes
cymbales sont des jupes autour de ses chevilles, il tire à lui les
corpuscules soyeux des eaux qu’il a pompées, il les enlève, il gonfle,
il monte comme un soufflet dans un four brûlant, il
rassemble les mouvements de l’air, il grossit, il densifie, il
dilate à la mesure d’un Boeing sur le point de quitter la piste, il
gondole, il renfle, il ronfle, il prend appui sur son train
d’appui et il s’arrache, il décolle.
Céline Minard, scomparo, Les Ales, Cambourakis, 2011.
D’ailleurs je les ai vues – et entendues – toutes les deux, il y a déjà quelque temps, au Comptoir des Mots – et c’était mémorable.
Les Ales ? Ale veut savoir ce qu’ales sont ? Alors qu’ale aille donc voir là, puis qu’ale aille à la librairie de son quartier et qu’ale réclame les Ales.
C'est plus fort que moi, faut que je vous signale le 's' en trop à 'quelque' dans"il y a déjà quelques temps"
Voilà, c'est tout, ( vous pouvez effacer ce commentaire indélicat si vous le souhaitez )
Bien à vous.