L’Art de la comédie d’Eduardo de Filippo
n’est pas l’essai
sur le théâtre que par son titre il feint d’être mais plutôt sa
transformation : le théâtre même – et il n’y est nullement question de
ce sport dont l’actualité vient malgré moi de
contaminer mes métaphores puisqu’il y est question disais-je du
théâtre même, non pas seulement à la manière de l’écrivain (Filippo en
est un assurément) qui pourrait faire de son art son sujet
(esquivons d’emblée les soupçons à la mode d’intellectualisme dont
est par principe victime toute œuvre tant soi peu autoréférentielle,
d’ailleurs la pièce n’est ni française ni contemporaine)
mais plutôt à la manière du comédien qu’il fut d’abord et du coup :
c’est une vraie comédie. Une vraie comédie, franche et drôle, et
justement montée comme telle par Philippe
Berling et ainsi interprétée par une sacrée belle compagnie
de comédiens. Il faut dire qu’il y a matière pour un comédien à prendre
du plaisir. Non contents de donner corps à une
jouissive mise en abyme pirandellienne (la référence à Six personnages en quête d’auteur
est explicite et assumée), c’est aussi leur propre métier que les
comédiens d’Orestia Campese et
ceux de Philippe Berling sont invités à défendre. C’est pourquoi la
première partie pourrait paraître un peu longue sans le talent des
comédiens, Clotilde Mollet et
Jacques Mazeran en tête : c’est aussi que Filippo a
quelque chose à dire sur la condition des comédiens qui depuis cette
Italie de 1965 sonne encore très actuel. Mais la
deuxième partie surtout est un vrai festival dont on ne saura jamais
(et cette indécidabilité, forcément, j’adore) s’il s’agit ou non d’un
spectacle dans le spectacle : les nouveaux
personnages qui interviennent nous sont donnés comme des
deux-en-un : Christian Caro, Lyes Salem et Cécile Le Meignen
notamment
interprètent-ils un prêtre, un médecin ou une institutrice ou un
acteur jouant un prêtre, jouant un médecin, jouant une institutrice ?
C’est L’Art de la comédie – et ça se joue
aujourd’hui et demain encore au Théâtre de l’Ouest Parisien à Boulogne, avant de continuer la tournée ailleurs (la troupe d’Orestia Campese aussi est
itinérante).
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