A
présent, je sais que je ne me déferai plus de la peur. Elle est, sous
sa forme la plus ordinaire,
mon principe de réalité : tout à coup, la possibilité, l’éventualité
de la catastrophe nous atteint sous les traits de l’accompli.
L’imminence de la chute dans le vide, de la mort, se
dévoile comme destin, comme ce qui est inscrit dès l’origine en moi.
Et cet accompli est toujours en réalité le vide, celui dont nous sommes
constitués, qui surgit devant nos yeux. Dans la peur
ordinaire, je me reconnais sous les traits du mort qui m’a toujours
habité.
Sous
la forme qui vient me travailler et troubler mon sommeil dans les
vieilles maisons, tout se renverse, comme dans un miroir.
Je ne me reconnais pas. Je porte le masque du clown, du spectre, du
grand-père, de l’habitant inconnu. Il me semble alors que c’est un
principe d’irréalité qui s’active, que la nuit engendre les
monstres, réveille les fantasmes.
Mais j’habille de figures mythologiques ce qui m’obsède depuis l’enfance, l’idée que quelque chose doit venir à ma rencontre, du
fond le plus secret du monde, quelque chose à quoi je n’ai pas encore donné le nom de la présence comme impossibilité.
Ce qui vient me hanter, chaque nuit, c’est l’incroyable, la bouleversante coexistence de la présence et de l’absence.
Pierre Jourde, La
Présence , Les Allusifs, 2011, p. 83-84.
Entre récit et réflexion, comme une autre branche sur les racines du Pays perdu de Pierre Jourde, la Présence
inaugure de belle manière une nouvelle collection des Allusifs : les Peurs.
Commentaires
Cette ombre sans fond ni surface qui inonde sans mouiller ?
Commentaire n°1
posté par
Gilbert Pinna
le 21/04/2011 à 21h21