Très
honnêtement, même si la plupart du temps, ouf, je n’y pense guère, je
dois bien reconnaître que le « succès » rencontré par certains livres me
gratte un peu. Comme je n’aime
pas me faire du mal, je ne les lis pas, ou guère, et suis bien mal
placé pour les critiquer ; je me contente d’aller renifler sous la
couverture. Citerais-je des noms ? Allons, soyons
lâche : ni Marc Lévy ni Guillaume Musso ni Bernard Werber n’en sont
coupables. Je suis sérieux : ces gars-là ne me donnent pas d’urticaire.
C’est aussi que les couvertures, précisément,
sous lesquelles leurs œuvres paraissent annoncent clairement et
honnêtement la couleur. Il en faut, de la couleur, pour être visible sur
les rayons de Carrefour. (Oui, tout de même, on les trouve
aussi en librairie, où leurs piles prennent de la place ; ça c’est
moins sympa. Mais au moins on est prévenu, on ne s’attarde pas.)
Non,
plus sérieusement, ce qui me démange, c’est plutôt le syndrome Canada
dry : quand ça a la couleur, les mots, la
couverture de la littérature – mais rien de plus. La couverture,
surtout. J’aime bien que les éditeurs aient des collections – car c’est
bien ce qu’on espère trouver sous une couverture
facilement identifiée. La collection, ça devrait être la première
indication pour le lecteur. Or soulevez-en certaines, hélas, c’est le règne de la confusion. Là-dessous, on trouve de tout – et aussi n’importe quoi
– notamment sous des jaquettes qui, par leur sobriété, semblent
pourtant
vouloir nous dire : « c’est ici que s’écrit la littérature
d’aujourd’hui ». Mais le lecteur averti qui bien sûr en vaut deux ne s’y
laisse pas prendre deux fois. Cette pratique,
qui consiste, comme on dit élégamment, à vendre des vessies pour des
lanternes, si elle permet peut-être, j’imagine, de réussir quelques
coups, est évidemment dommageables aux livres publiés dans
ces mêmes collections et qui valent quelque chose, oui il y en a, et
au-delà, puisqu’il s’agit souvent de maisons puissantes, à l’ensemble
de la littérature contemporaine. C’est
sans doute à la fois l’une des causes et l’un des symptômes de cette crise de la représentation que j’évoquais il y a quelques temps.
(Bon, on pourrait aussi en citer d'autres et repeindre l'arc-en-ciel...)
Commencez donc par vous réconcilier avec le Jardin :))
Plus simplement, je me contente d'espérer qu'on reviendra à un meilleur respect des lignes des collections. Ces bouquins qui me grattent me gratteraient moins sous une couverture moins littéraire - laquelle n'est vraiment plus qu'une couverture.
(Si j'avais des baies vitrées...
Ce qui est perdu de vue, aussi, dans de telles pratiques, c'est que la littérature est une sorte d'organisme vivant. Qu'on le veuille ou non et malgré les différences, on est tous un peu siamois dans cette affaire, et rien de ce qui se fait n'est sans conséquences pour les autres.
On est là entre gens de qualité! Le calme des protagonistes me laisse admirative. C'est passionnant. En tant que lectrice je viens ici rajouter mon grain de sel; là-bas, c'est trop calé pour moi:) Eh bien, c'est jouissif de vous lire comme ça Philippe. Vous nous offrez-là un beau cadeau : l'écrivain qui répond du tac au tac sur le sujet qui nous passionne tous ici : la littérature. Votre interlocuteur a de la belle répartie. Je vais garder ce billet sous le coude, il mérite avec les commentaires une relecture. Tout de go (ça se dit encore cette expression?(0_0)) je crois que je suis à 50/50 en accord et désaccord concernant les auteurs que vous chérissez et ceux que vous... aimez moins (restons soft).
Et là j'applaudis à quatre mains:) :
" Pour ma part j'ai tendance à penser qu'il n'est pas forcément juste d'aller dans le goût du public, mais qu'il vaut mieux amener le public à aimer aussi autre chose que ce qu'il aime déjà (et je reconnais volontiers que c'est un peu kamikaze)."
Je ris en lisant que vous serez le 1er mai aux Colères du présent!!! Ca tombe bien!