samedi 8 février 2025

Souvenirs de mon père, 26 (bombardements, exode)

A un moment, vous vous êtes arrêtés juste avant d’entrer dans une ville. Pendant ce temps, elle a été bombardée. C’est là que vous avez vu passer un avion avec la cocarde française, tricolore, qui vous a mitraillés. Les balles passaient de tous les côtés. C’était un avion allemand camouflé en français ; il y en a eu d’autres. (A ce moment-là, il n’y avait plus guère d’avions français.)

Vous vous êtes réfugiés dans une grange, dans le foin, pour passer la nuit. Une paysanne qui était restée chez elle et qui avait trait ses vaches vous a apporté du lait encore chaud, fraîchement trait. Toi qui n’aimais pas le lait, tu as bu ce bol avec plaisir. Tu avais faim. Depuis, tu aimes le lait.

Le lendemain matin, vous êtes repartis et vous avez atteint Gisors. Vous aviez fait environ cent vingt kilomètres à pied en un jour et demi. Mamie s’appuyait sur un bâton. Arrivés à Gisors, un centre d’accueil organisé vous a donné des ravitaillements, et vous vous êtes retrouvés séparés de votre voisine, définitivement.

Coïncidence : vous avez rencontré un soldat qui se trouvait être un ancien ouvrier de ton grand-père. Il vous a dit que vous seriez mieux logés dans son ambulance que dans les dortoirs du centre d’accueil. Vous y avez passé la nuit. La nuit, plusieurs alertes ont retenti. A chaque fois vous voyiez les officiers entrer les premiers dans les abris, bousculant les gens sans ménagement, suivis par les soldats, enfin par les civils, s’il y avait encore de la place. C’était « l’esprit de 40 ».


Cette dernière remarque a plus de sens quand on sait que mon père était fils et petit-fils d’officiers.

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