L’héroïne de roman est toujours en crise, la bourgeoise distille son ennui, la fille du peuple veut s’élever, cocotte à macarons, etc…
Comment sortir de cette dépression ?
Le nez un peu lourd, la bouche trop grande, elle ne brade pas ses émotions, au moins un amant par jour lorsque les femmes réelles désirent un amoureux pour la vie.
Dans un roman, la femme inquiète, alors que la jeune fille n’inquiète jamais complètement. Elle rougit facilement, c’est tout. Jamais vous ne pourrez fixer le visage d’Emma qui n’a pas de visage (même pas celui d’Isabelle Huppert).
Les visages romanesques ne vieillissent pas comme les vrais, dans un livre, vous vieillirez brusquement.
Toute femme est un roman en puissance, toutes veulent imiter ce qu’elles ont lu dans les livres, consultent des agendas, écrivent des listes, s’adressent à des micros miniatures.
Dans un roman, il doit se passer quelque chose sinon on quitte le livre, une chose meilleure que dans la vie doit se produire.
La femme romanesque doit exciter le destin, s’habiller en poupée, on lui fait dire des choses qu’elle pense vraiment.
Prenez un grand roman, suivez sa progression, et maintenant, une histoire vous arrive, cette histoire commence, elle vous concerne… vous voyez une différence ?
Ignorant le moment propice pour vous déclarer, vous savez que cet amour est taillé pour vous comme dans un livre.
Alors ? Vous faites quelque chose ou rien ?
Ce roman était le vôtre, le saviez-vous ?
Quand le quotidien devient une aventure et que vos nerfs sont à vif que faites-vous ?
Certaines composent un numéro ou apprennent ce numéro par cœur, d’autres écrivent des poèmes.
Laisser faire les émotions n’a rien d’héroïque.
Surveillez votre poids, votre tenue, faites des efforts, ajustez vos vêtements.
Si on compare le désordre du réel à la structure d’un roman, on comprend que l’amour est arbitraire, qu’une fois cette aventure terminée, vous ne la relirez pas.
Comment refaire votre destin au propre ?
Véronique Pittolo, Toute résurrection commence par les pieds, éditions de l’Attente, 2012, p. 119-120.
Véronique Pittolo dans les micro-fictions de France-Culture : De tout temps les couples n'ont pas formé un tout.
Ce texte est excellent!